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The killer inside me

Littérature noire

Bloodmoney : un agent de la CIA tué, ça va... trois, bonjour les dégâts

Bloodmoney : un agent de la CIA tué, ça va... trois, bonjour les dégâts

David Ignatius est un auteur de haute-volée. Spécialiste des intrigues dans l'espionnage américain. Son poste d'éditorialiste au Washington Post doit bien sûr lui procurer quelques sérieux tuyaux et on ne sait pas finalement à quel point son dernier opus, Bloodmoney, se nourrit de ses informations. En tout cas, le décor fait peur : celui d'une officine clandestine de la CIA, installée à Los Angeles, approuvée par la Maison Blanche et qui s'autofinance grâce à de vilaines manipulations sur les marchés boursiers. Le pire pour ce genre d'agents, c'est finalement de se retrouver sous les feux de la rampe et c'est le cas puisqu'un agent se fait occire au Pakistan. Sans revendication...

Hit Parade, c'est le nom de cette agence secrète de la CIA, cultive l'ombre, le secret, le flou. Mais après les événements du 11 septembre, il est vrai que la maison mère, la vieille CIA, n'avait plus les faveurs de la présidence américaine. Alors, Hit Parade s'est sentie pousser des ailes. Son boss, Jeffrey Gertz, est un animal de l'espionnage, un diable, un homme de terrain aussi, au passé sulfureux, violent. Son objectif : dépenser des millions de dollars pour acheter la paix au Pakistan, retourner littéralement les chefs de tribus hostiles aux Etats-Unis.

C'est bien pour cela que Howard Egan est à Karachi. Il ne la sent pourtant pas cette nouvelle mission. Son contact n'a plus l'air aussi sûr... Egan finira torturé, mort. Officiellement, cet employé d'une société boursière de Londres est décédé dans un trek. Washington n'apprécie que modérément la nouvelle. Gertz dépêche alors son jeune officier Sophie Marx sur l'enquête. A Londres, cette Candide du 21e siècle découvre le financement illicite de Hit Parade mais aussi les manoeuvres de son chef.

Ignatius maîtrise à l'extrême son récit, jouant de tension avec l'assassinat d'un autre agent à Moscou, puis d'un troisième à Douchanbé. Comment peut-on tuer des agents qui sont censés ne pas exister ?... Il jongle alternativement entre la vision occidentale de Marx ou de ses supérieurs et celle du chef du renseignement pakistanais. Ignatius ne fait pas d'angélisme et les orientaux ne sont pas moins retors que leurs collègues ricains : dans l'espionnage, tout le monde double tout le monde. Le discours est cynique, désespérant et désespéré. Surtout du côté des Pakistanais, pétris de traditions tribales, de notion d'honneur, de respect mais aussi de vengeance face à des agents américains sans vergogne. Le lecteur fait des allers-retours incessants entre la chaleur sèche de Karachi et les bureaux climatisés de Los Angeles. Ou pire, dans les salles boursières de Londres. C'est là que Bloodmoney prend son titre : ce fric dégueulasse, astronomique, gagné en quelques minutes pour financer on ne sait quoi.

Le livre est très politique au final et illustre cette attitude des gouvernements américains à penser que tout est permis, de partout. Mais comme des grands enfants maladroits, à l'inverse du Mossad, ils laissent toujours des traces, toujours de quoi se faire taper dessus les doigts. Très bonne lecture.

Bloodmoney, édition JC lattès, 404 pages, 22 euros.
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