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The killer inside me

Littérature noire

Un nid de crotales : Jim Thompson dans la magouille pétrolière (15)

Un nid de crotales : Jim Thompson dans la magouille pétrolière (15)

Grâce à son paternel, Jim Thompson a une vraie expérience de l'industrie pétrolière lorsqu'il écrit Un nid de crotales en 1961 (The transgressors, trad. Danièle et Pierre Bondil). Avec ce roman - un inédit débusqué par Rivages en 1986 - Big Jim s'impose un peu plus comme un romancier de haut niveau. Il a sorti, deux ans avant, L'échappée qui aura le succès que l'on sait et s'apprête à finir Les arnaqueurs. Il est en pleine bourre, a trouvé son style, mêlant de pauvres types pas bien recommandables, souffreteux, vicieux, avec des projets ambitieux de criminalité, dans des coins perdus des Etats-Unis. C'était un peu ce qui manquait à ses premiers personnages sans doute, l'ambition. Et une dimension. Dans Un nid de crotales, Tom Lord est un fils et petit-fils de médecin respecté à Big Sands, Texas. Malheureusement pour lui, il n'a pu finir ses études de médecine et se retrouve shérif adjoint. D'un meurtre accidentel, à une veuve vengeresse, le voilà face à une mafia italienne, les mains couvertes d'or noir...

Personnage principal, Tom Lord nous rappelle différents personnages de l'univers de Thompson. Ce n'est pas Carl Bigelow d'Une nuit de fureur, ni Clinton Brown de Monsieur Zéro ! Mais il pourrait y avoir un peu de - attention à l'homonymie ! - Lou Ford (L'assassin qui est en moi). Pas seulement parce qu'il porte un uniforme. Non, ce Tom Lord est lui aussi assez insaisissable. Lui même se dit à plusieurs reprises qu'il y a deux Tom Lord. Mais il faut comprendre sa schizophrénie, forcé d'accepter ce boulot minable alors qu'il pourrait soigner des gens, obligé de se supporter cette prostituée comme unique gonzesse (quelle belle première scène) et puis il y a McBride, responsable de prospection pétrolière, qui l'a arnaqué il y a quelques années... Et à qui il vient de mettre une belle rouste. Avant de lui trouer, involontairement, la peau. Ce qui va avoir comme un effet domino dans les problèmes qui vont lui tomber dessus.

Jim Thompson n'a visiblement que peu de compassion pour ce Texas désertique. Et ceux qui l'habitent. L'argot de Tom Lord, du shériff ou des adjoints est rustre, leurs idées sont maigres, leur cadre de vie, à pleurer. C'est une province texane dépeint comme un enfer. Exceptée cette cabane où se réfugie Lord, petit havre de paix protégé, parenthèse où Thompson se laisse aller à la contemplation quasi impressioniste : " Il était surprenant de découvrir tout ce qu'il y avait à faire dans un endroit aussi isolé. Les bains à la petite source. Les levers et les couchers de soleil à regarder. Le simple fait d'être là, juste comme ça, et de laisser le vent vous envelopper sans fin tout en s'imprégnant de la beauté sans fard d'un monde resté à l'état originel. Rien ne semblait avoir changé dans cet endroit depuis l'aube des temps. " Nous y voilà donc : le paradis perdu. Souillé par les hommes. En guise d'Adam, Thompson nous propose donc Tom Lord. Et comme Eve, il y a Donna, une veuve, élevée à la dure. Le jugement divin étant, partiellement, délivré par ces serpents omniprésents. Un nid de crotales fait partie des oeuvres " optimistes " de ce grand auteur et correspond, sans nul doute, à une époque de sa vie sans doute un peu plus paisible. Mais on retient tout de même une peinture effroyable de cette industrie du pétrole, soutenue par une mafia bien implantée, maltraitant les ouvriers, volant les propriétaires terriens...

Un nid de crotales, Jim Thompson, ed. Rivages, 234 pages, 8 euros.
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