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The killer inside me

Littérature noire

Le social intimement lié au roman noir dans le Fannie et Freddie de Marcus Malte

Le social intimement lié au roman noir dans le Fannie et Freddie de Marcus Malte

Les terres dévastées. Pas celles de Verdun. Pas celles de Guernica. Les terres devastées par la désindustrialisation, ces pays, ces régions où persistent des squelettes de grues, de hangars, immenses, rouillées, livrées aux herbes folles. Marcus Malte a ça en lui. Cette douleur sociale, ce mal-être, cette incompréhension. Avec Fannie et Freddie, une nouvelle suivie de Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas, il esquisse deux tableaux de villes foudroyées par la désindustrialisation des années 80. Deux villes séparées de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres : Bethléem en Pennsylvanie et la Seyne-sur-mer. Mais deux villes jumelles. Pour deux nouvelles sombres, dures, d'un réalisme poignant.

Fannie et Freddie, c'est l'histoire d'une infirmière qui kidnappe un jeune trader et le trimballe jusqu'à la maison de ses parents. En fond, toute l'escroquerie des sub primes, la tragédie de ces Américains mis à la porte de leur maison dont ils ne pouvaient plus payer les emprunts. Avec cette économie de mots qui le caractérisent, Marcus Malte écrit la tragédie de ces milliers de familles sacrifiées, humiliées, au coeur de la première puissance économique mondiale.

Ceux qui contruisent les bateaux ne le prennent pas, si c'est une nouvelle sur ce même fond post industriel, regorge de la nostalgie personnelle de l'auteur, mêlant à la fois ses souvenirs mais aussi la légende des grands chantiers navals de la cité varoise. Son personnage de Pehrsson, flic quadragénaire, sans attache, traîne le fantôme d'un ami mort, à 14 ans, d'une balle dans la tête, tirée par on ne sait qui. Cet ami, c'est aussi la fin de l'histoire des chantiers navals, mis au rebut par on ne sait qui, par la faute de quelqu'un qui ne sera, lui aussi, jamais attrapé.

Deux nouvelles qui collent à la société, sans grand serial killer, si ce n'est ce monde moderne, " capitaliste " diront les plus acharnés, " libéral " les plus blasés ou les plus lucides. Il ne faut parfois pas de grands rebondissements ou des meurtres horribles, pour une écrire une histoire franchement prenante, très noire et dont on attend la fin quasiment en apnée. De la belle oeuvre, une fois de plus.

Un mot encore sur la qualité des livres des éditions Zulma : beau papier, belle couverture au grammage agréable, joli graphisme et tout ça fait dans une imprimerie hexagonale... La preuve que l 'on peut faire des beaux livres en France sans délocaliser l'impression. Juste pour en revenir à la sauvegarde des ouvriers...

Fannie et Freddie, Marcus Malte, édition Zulma, 158 pages, 15, 50 euros.
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