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The killer inside me

Littérature noire

Cartel : chronologie sanglante des années 2000 au Mexique

Cartel : chronologie sanglante des années 2000 au Mexique

Arturo Keller, mi-mexicain, mi-yankee, est un super agent de la DEA, le meilleur sans doute : connaissance des dossiers, incollable sur l'historique des cartels, physionomiste, flingueur chevronné et capable d'évoluer au Mexique comme un poisson dans l'eau. 25 ans de " boîte ". Mais cela n'est rien à côté de la haine qu'il voue à Adan Barrera, grand patron du cartel de Sinaloa, qu'il a réussi, par une ruse peu élégante, à faire coffrer il y a une poignée d'années.. et qui vient de s'évader de Puente Grande au Mexique. Adan Barrera, évidemment, a aussi une sérieuse dent contre Keller. Une chose après l'autre toutefois. D'abord, avec ses deux lieutenants, Nacho et Diego, cet insaisissable patron va asseoir son pouvoir. Se débarrasser de ceux qui ont voulu le suriner en taule. Cela se passe avec le cartel du Golfe. Une organisation qui a bâti son empire grâce à une armée de brutes, ex-super flics mexicains, les Zetas. Pour Barrera, il s'agit d'être malin, de susciter les alliances ou les trahisons. Avec si possible la bénédiction des polices locales, voire de plusieurs hommes politiques. Très soucieux de sa famille, le boss du cartel de Sinaloa va toutefois commettre une erreur pour sauver son neveu... En ce milieu des années 2000, une atroce guerre entre cartels est en train de prendre forme, les cadavres s'additionnent, les assassinats grimpent dans la barbarie et Keller, au coeur d'une opération avec le nouveau patron de l'agence fédérale mexicaine et le procureur en charge du crime organisé, ne sait plus quelle doit être sa priorité, avec qui passer un accord. Le conflit se déplace de l'état du Tamaulipas, au Michoacan et surtout à la vallée de Juarez, où de simples femmes ont décidé de s'opposer non seulement aux cartels mais également à la police, l'armée, toutes deux corrompues;..

Après trois livres bâclés (Cool, L'heure des gentlemen) ou sans intérêt (le fond de tiroir, Dernier verre à Manhattan), Don Winslow revient. Et c'est sévère. Suite chronologique de La griffe du chien, Cartel (2004-2014) est une somme monumentale de faits divers, d'affaires de corruption, de plans gouvernementaux pour lutter contre le trafic de drogue, mis en forme dans un roman au souffle vraiment épique. Si les 100 premières pages sont un peu convenues avec ce face à face de Keller et Barrera et cette évasion très cliché, le reste est d'une force tellurique. Comme dans un magnifique jeu d'échecs, chaque adversaire avance, perd des pions, en prend d'autres, essaye d'avoir deux coups d'avance quitte à sacrifier certaines pièces importantes. Et puis, Winslow (ancien journaliste, on le sent bien ici) fait tout pour ne pas suivre ces deux personnages principaux à la culotte, il créé d'autres seconds rôles très aboutis : Eddie le dingue, génialement psychopathe, Chuy, le monstre enfant, et puis Pablo, Jimena, Ana, incarnant cette société civile massacrée dans l'indifférence, ces zones abandonnées aux cartels. Meurtres d'enfants, décapitations multiples, assassinats de paysans, reines de beauté démembrées, officiers de police abattus devant chez eux... le roman de Don Winslow n'épargne pas le lecteur et renvoie, au passage, vers les incroyables blogs qui ont " fleuri " à l'époque, dont le très choquant puronarco (interdit aux moins de 18 ans).

Livre très politique, ultra violent (bon sang cet assassinat de Magda !) et très lucide, Cartel ne se prive pas de dénoncer le double jeu de la politique américaine, la solution ne venant finalement que lorsque les cartels menacent de toucher aux précieux marchés de l'énergie. Annoncé comme le roman événement de la rentrée, Cartel tient magistralement ses promesses. Même si Winslow n'est pas un grand styliste, il frappe du poing sur la table, " alors c'est qui le patron ?! ".

Cartel (trad. Jean Esch), ed. Seuil, 716 pages, 23, 50 euros.
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C
Je ne suis pas un fan absolu de Winslow, j'aime mais ce n'est pas non plus le romancier ultime que certains avancent. C'est son style que je trouve un peu plat parfois, il raconte bien, les intrigues sont fortes mais ça manque d'identité. Ou alors c'est mal traduit. Possible aussi. Quoique là...
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W
Je partage ton avis sur les derniers Winslow et donc là,ce serait le retour du grand Winslow. Il y a intérêt parce qu'il est quand même volumineux,surtout quand il passe après Marlon James et DOA.
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