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The killer inside me

Littérature noire

Le dernier arbre de Tim Gautreaux : une jolie déception

Soyons lapidaires : Tim Gautreaux, ça ne vaut pas Ron Rash. Les deux parlent du Sud des

Etats-Unis et avec Le dernier arbre, comme Rash dans Serena, il s'agit d'une histoire de scierie, industrie capitale dans l'histoire de ce pays. Sauf que Le dernier arbre n'a pas la finesse et la beauté de Serena. Cette histoire de deux frères de Pittsburgh qui, en 1920, se retrouvent dans une exploitation forestière du fin fond de la Louisiane part sur de bonnes bases. Randolph, le plus jeune de la fratrie, débarque avec le rôle de directeur de la scierie, son frère, dont la famille a perdu la trace depuis son retour des champs de bataille de la Grande Guerre, Byron, est le constable, l'homme de loi de cette immense colonie dédiée au bois, entre moustiques, mocassins d'eau et alligators. Hommes blancs, hommes noirs, travaillent ensemble mais boivent séparément dans le saloon implanté au coeur de cette ville artificielle. Un débit de boissons, avec jeu de cartes et prostituées, détenu par un Sicilien du nom de Buzzetti, caïd de la cité voisine.Un saloon et ses trafics qui vont causer trop de soucis aux deux frères, décidés à encadrer l'exploitation. Pendant ce temps, Byron doit vivre avec ce que l'on appelle communément ses "démons" ramenés de France, à grands coups de musique jouée à tue-tête et Randolph, lui, entame une drôle de relation avec la gouvernante, May.

Avec ce roman, sorti en 2013 en France, l'auteur de Louisiane aborde plusieurs thèmes, dont évidemment celui de la violence, qu'elle soit psychique chez Byron ou très concrète avec Buzzetti, mais aussi la relation des hommes du Nord à la conquête du Sud, la Révolution Industrielle, le progrès avec l'arrivée du téléphone, les préjugés raciaux, la mafia également avec la présence de Siciliens de Chicago... C'est beaucoup non ? Le seul point mis de côté c'est finalement la destruction d'une forêt de plusieurs milliers d'années mais il faut reconnaître qu'en ce temps-là, la conscience écologique n'existait pas. Et puis ce qui est un peu choquant, c'est cette façon qu'à Gautreaux de nous présenter Randolph comme le gentil patron venu du Nord chez ces culs-terreux de sudistes : Randolph est poli, il parle aux ouvriers, il n'est pas raciste, sa femme est un modèle qui installe une école, un semblant d'église... tout le contraire de Byron, impulsif et porté sur le flingue. Mais pas si méchant puisque lui aussi, il vient du Nord. A part ça, le roman est parfois maladroit : les deux frères s'évertuent, en prenant d'énormes risques, à fermer le saloon le dimanche et puis Buzzetti vient offrir de l'argent à Byron qui l'accepte. Sas que Randolph ne s'offusque. C'est même parfois un peu balourd dans le style, pardon: " le patron de la scierie remonta à a surface de l'état de conscience à la façon dont un cercueil, en Louisiane, émerge de la boue après une pluie de plusieurs jours " ! Ou bien " Cela ressemble à la France lorsque je l'ai quittée. - Mon Dieu, tu plaisantes ? - Parfois c'est la réalité elle-même qui est une plaisanterie." On rajoute un peu de pathos, avec le bébé pour des parents qui ne peuvent pas avoir d'enfants, le meurtre d'une prostituée tellement gentille... C'est simplement une déception. Pour lire l'exacte contraire de cet avis, lire ceci.

Le dernier arbre (trad. Jean-Paul Gratias), ed. Points, 472 pages, 8, 10 euros.
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