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The killer inside me

Littérature noire

Héros secondaires : super-héros et génération Y

Sérieux mais pas trop. Drôle mais pas seulement.

Héros secondaires, de SG Browne, est une satire de la société américaine et de son addiction aux médicaments. C'est aussi un beau livre sur les trentenaires un peu perdus, pas sans ambition mais sans ressort, se laissant porter par la vie.

Lloyd est de ceux-là. Il a fait quelques études en marketing, a attrapé un boulot dans sa branche mais voilà, quand sa boîte a sombré, il s'est retrouvé dehors. Incapable de rebondir, il trouve une annonce pour des test de médicaments : le voilà devenu cobaye de laboratoires pharmaceutiques. Il enchaîne les tests sur une semaine, deux semaines, parfois un mois ou plus. Et selon le test, c'est carrément bien payé. Ce que ne voit pas d'un très bon oeil sa copine Sophie qui, elle, est dans tout autre chose : végétarienne, bio, sans gluten, elle concocte des plats à base de tofu, quinoa et algues ! Lloyd, un peu ado attardé s'en fiche, il s'éclate avec ses potes Randy, Charlie, Vic, Isaac, eux aussi clients des labos. Et puis un jour, sur un bâillement, Lloyd voit un gamin s'assoupir brusquement dans un parc. Quelques jours plus tard, alors qu'il ressent une drôle de torpeur, qu'il bâille encore, c'est une petite fille qui s'effondre gentiment. Lloyd se confie à ses potes : et là, c'est la révélation. Chacun a hérité d'un effet secondaire qu'il peut utiliser comme un super pouvoir : l'un peut donner des convulsions, l'autre de l'eczéma, celui-ci des vomissements. Pétris de comics, la bande va tenter de faire le meilleur usage de ces dons : ils vont protéger les sans abris, les sdf agressés dans les rues de New-York.  Une sorte d'Avengers du pauvre ! Pendant ce temps, la ville subit des agressions d'un nouveau genre, des cambriolages sans que personne ne se souvienne.

Entre Iain Levison, pour la critique sociale et Mark Haskell Smith pour le délire, SG Browne laisse flotter un doux parfum de révolte citoyenne. Il y a peut-être une longueur dans la narration après l'ultime bagarre avec Blaine mais l'auteur a l'intelligence de rebondir avec, finalement, ce qui est une belle peinture des trentenaires new yorkais un peu paumés, entre culture pop, paranoia sanitaire et délinquance ordinaire. Reste néanmoins une énorme charge politique sur la surconsommation de médicaments aux Etats Unis et la puissance lobbyiste des laboratoires, l'auteur rappelant, qu'avec la Nouvelle Zélande, c'est le seul pays où les labos peuvent ainsi faire une pub éhontée sur le petit écran. Et puis Héros secondaires est quand même bourré d'humour au second degré ("si j'étais vraiment né pour endormir les gens, je serais sans doute plutôt devenu politicien ou réalisateur de films d'art et d'essai "), de références populaires, avec une histoire d'amour toute mignonne, sans prétention mais avec un chat qui, tout de même, mange bio ! En anglais Less than hero fait bien sûr référence au Less than zero de Bret Easton Ellis avec cette fois une génération, la génération Y née en 80, qui ne sait vraiment pas quoi faire de sa vie, une génération coincée par la crise, les loyers exponentielles, une vie sentimentale rien moins que délicate et un sentiment d'inutilité. Les années 80 sont loin. C'est aussi comme cela que l'on peut entreprendre ce roman rempli de clins d'oeil.

Héros secondaires (trad.Morgane Saysana), ed. Agullo, 347 pages, 21, 70 euros.
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