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The killer inside me

Littérature noire

Vulnérables : l'effet blast d'une écriture urgente

L'Amérique du bord du chemin.

Ou encore l'Amérique de l'arrière-cour. Bref, celle que l'on lit ou que l'on voit rarement. Il ne s'agit pas de rural ou de banlieues isolées mais avant tout d'hommes et de femmes. Même pas des Américains moyens. Plutôt moyens moins. Ceux qui triment et qui plongent dans la galère à la première catastrophe, une population qui vit avec le nez juste au-dessus de l'eau, capable de se noyer à la première vague. C'est un peu ça l'histoire de Vulnérables, de Richard Krawiec. Les USA de l'après-Clinton, des hommes qui prennent un boulot de vendeur de glaces avec l'espoir que l'usine rouvre bientôt, une population totalement déclassée. Billy Pike revient vivre chez ses parents, traumatisés après un cambriolage qui a viré au pillage, au souillage de leur modeste maison, dans une modeste banlieue. Billy, aîné de trois enfants, traîne un casier judiciaire pour braquages et cambriolages. Il traîne aussi un malaise gigantesque. Son retour réveille de vieux démons. Et surtout lui renvoie sa difficulté à interagir avec les autres. Peut-être parce qu'il n'a pas été aimé comme il fallait par, justement, ses parents. Mais c'est toute la famille qui ne sait pas aimer. Billy va bien trouver l'affection chez Sharon, elle aussi handicapée, mais physiquement, pourtant, rien n'est simple. En premier lieu, le moyen de retrouver ce cambrioleur qui fait trembler ses pauvres parents...

Krawiec ne prend pas de gants : il frappe à mains nues. Sa plume s'enflamme, se lâche sans compter, pour tracer le parcours terrible de Billy, ses relations sexuelles à la fois dégueulasses et libératrices, ses souvenirs d'une enfance troublée et pathétique, ses parents lâches et tellement communs... Vulnérables, bien plus que le surestimé Hillbilly Elégie, raconte une dérive lente, presque invisible, d'une population blanche et travailleuse vers la pauvreté ou, au moins, la précarité. Ce qui frappe dans ce roman très noir, court et intense, c'est l'absence de solutions collectives, de réponses de la société. La famille Pike est seule. Le seul espoir de Billy, c'est Sharon. Ou son neveu, Stevie. Encore une fois tout est politique, et si Richard Krawiec n'aborde pas la question comme un bourrin, de manière frontale, son livre laisse vraiment un sentiment de gâchis et même d'horreur devant ce spectacle d'abandon. Et de violences. Même écrit avec une certaine urgence, avec quelques imperfections, Vulnérables a un effet blast très rare. Et la préface de l'auteur est simplement parfaite. Et terrible.

Vulnérables (trad.Charles Recoursé), ed. Tusitala, 222 pages, 20 pages.
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