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The killer inside me

Littérature noire

Des histoires pour cent ans : saga de l'amour breton

Grégory Nicolas est un conteur. Il balance des histoires bigger than life, de ces traces humaines pétries de beautés et de douleurs, avec ses jolis mots, simples et choisis. Dans Des histoires pour cent ans, il se pose à cheval sur 60 ans d'histoire, de la Seconde Guerre Mondiale dans un bout de Bretagne jusqu'à 2005, avec les descendants de la première partie. C'est clairement ambitieux. C'est clairement réussi. Il souffle dans ces 276 pages, un vent d'histoire de France, un vent d'humanité tranquille et un petit soupçon d'anticipation, oui.
L'auteur, on le sait depuis le précédent Mathilde est revenue, a le chic pour dessiner avec précision les personnages féminins. Sans dégouliner d'amour béat pour ces femmes, on le sent touché par le destin d'une fille comme Perrine. "Elle était d'une beauté. La plus belle du village. On parlait d'elle jusqu'à Brest. Ses longues jambes, ses fesses rondes, son port de tête digne d'une danseuse parisienne, ses seins lourds et doux." Perrine, abusée par son père et qui couchera avec l'occupant allemand, sans vice, juste parce que c'est de l'affection immédiate, rapide et peut-être aussi un peu de sécurité. Mais elle ne fait pas ça avec grand plaisir, non. Elle n'échappera pourtant pas à l'humiliation publique à la Libération. Souvenir cuisant et indélébile. Cette partie du roman, entre errance d'un couple, Marthe et Marcel, et leur bébé volé au programme de naissance nazi et puis Perrine, PIerre, Julien... ça sent la fresque rurale, l'amitié, le malheur, la vie. Et puis Grégory Nicolas embarque son lecteur en 2005. Avec les petits-enfants. Pas simple comme saut. Heureusement, on y retrouve Henri, l'enfant allemand de Marthe et Marcel, désormais grand-père pêcheur et buveur. Et puis Eve, petite-fille d'une Perrine mourante. Mais comment faire tenir tout ça ? Comment maintenir le ressort des pages précédentes ? Avec un élément de tension inédit, original, génial : le gouvernement a décidé d'interdire la production et la consommation des boissons de plus de 9°. Les vignes sont arrachés, le vin est interdit. C'est la révolution en France. L'auteur, mettant en scène sans doute son pire cauchemar, y va donc de son gentil coup de gueule contre une société de plus hygiéniste et infantilisante, tout en mettant un sacré coup de piment à sa narration. Et là encore, ça fonctionne. Des histoires pour cent ans ne va pas bouleverser le paysage littéraire français mais il serait dommage que le lecteur passe à coté d'une telle humanité, écrite avec une tendre sincérité et un style épatant. En lisant Grégory Nicolas,on pourrait penser au merveilleux film de Leconte, Le mari de la coiffeuse, il y a cette même pétillante vie. On déguste ça avec un petit sourire, ça parle de pardon, ça parle du passé, de ce qu'il en reste, de ce que l'on en fait, ça parle surtout d'amour entre enfants, petits-enfants, homme et femme. Beaucoup d'amour ça fait du bien.

Des histoires pour cent ans, ed. Rue des Promenades, 276 pages, 19 euros.
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