Rebelle en fuite et autres histoires : l'ADN d'Elmore Leonard

Elmore Leonard est encore un jeune auteur quand il écrit les nouvelles de Rebelle en fuite et autres histoires. C'est la fin des années 50, il a quatre romans à son compteur mais déjà 30 ans bien sonnés. On peut donc considérer qu'il s'agit là d'écrits de jeunesse. Mais déjà, quelle verve !
Comme le dit si bien son fils Peter en préface il y a une grosse influence Hemingway, notamment dans cette histoire de torero, L'enclos du taureau, ou Un peuple heureux et inconscient. Le futur auteur de Get Shorty, Punch Creole paye là son tribut en toute honnêteté, après tout, le grand Ernest était à cette époque une sorte de rock star qui devait fait rêver plus d'un auteur en herbe. Mais peu importe, la force d'Elmore Leonard se dégage déjà de ces sept nouvelles, son style concis, direct, ses dialogues précis et sa façon de voyager. Dans Le temps de la terreur, il restitue avec une belle minutie et un grand sens du suspense, l'insurrection malaise du côté de Kuala Lumpur. Dans Les soirées loin de chez soi, il raconte avec son humour pince sans rire, les déboires d'un brave mari publicitaire aux prises avec des hôtesses de l'air en goguette. Mais surtout, on aime Première siesta à Paloverde et son ambiance fin du monde cow boys. "Avec sa bonhomie habituelle, Charlie avait une seule chose en tête, et cette chose était une bière bien froide. Après un trajet aussi poussiéreux que la piste pour revenir du siège du comté, à Cruces, sa première halte était toujours pour le Quatre As de Mickey Tigh. Cela passait avant toutes les tâches de maintien de l'ordre en souffrance." Les anti héros, les situations tendues, les coups de théâtre, du classique mais du très bon classique, toute l'oeuvre est ici en gestation. Une sorte de décodage de l'ADN de l'homme de La Nouvelle Orléans.
Bref cet indisensable recueil est une bonne illustration du travail de dingue que Leoanard a fourni pendant quasiment soixante ans. Et comme l'écrit Laurent Chalumeau dans sa détonante biographie Elmore Leonard Un maître à écrire, "Et celui que le monde anglo-saxon considère comme le plus grand auteur de crime novels de son temps, et l'un de ses plus grands auteurs tout court, ne jouit pas en France du statut de commandeur réservé à certains de ses confrères, moindres écrivains mais cabots et divas beaucoup plus propices à l'entretien du mythe de l'écrivain ricain grand méchant loup hard boiled" C'est vrai ça. Il faut réhabiliter Elmore Leonard. Vite.

Rebelle en fuite et autres histoire (trad. Johanne Le Ray et Pierre Bondil), ed. Rivages, 204 pages, 7, 80 euros.