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The killer inside me

Littérature noire

L'assassin de l'agent de police : le modèle suédois aux orties

Mais qui donc a inventé l'histoire du fameux modèle scandinave, en politique ? Cette social-démocratie, un peu à gauche, un peu à droite, un peu nulle part. Sans doute un élu qui n'avait jamais jeté un oeil sur la série de Martin Beck. Il y a dix ans, Benjamin Guérif avait la furieuse bonne idée de rééditer toute la série, préfacé par quelques grands noms. Voilà donc L'assassin de l'agent de police, avant-dernière aventure, parue en 74 en Suède et en France, la première fois, en 87, chez 10/18.
C'est peu de dire que le couple Sjöwall et Wahlöo font une peinture au vitriol de leur pays. Il y a d'abord, et avant tout, une cinglante critique de la police suédoise de cette époque, peuplée d'hommes violents, ou fainéants, ou  les deux. D'arrivistes aussi. "Les difficultés avaient en gros commencé en 1965, lors de l'étatisation de la police. Depuis cette date elle était devenue chaque jour un peu plus un Etat dans l'Etat, détestée par tous. Des enquêtes récentes prouvaient également que les opinions des policiers sur les autres citoyens étaient de plus en plus haineuse et horriblement réactionnaires." Dans ce qu'il faut bien appeler un bordel total, il y a donc Martin Beck, inflexible, pas drôle c'est vrai,  mais droit, aimable, patient. Et puis son ami et collègue, Lennart Kollberg, tout proche de démissionner d'un corps qu'il ne comprend plus. Et attention, il n'y en a pas que sur la police. C'est l'Etat suédois qui est ici passé au lance flammes. Comme lorsque Sjöwall et Wahlöo évoquent l'aéroport de Malmö, c'est sans pitié, avec un zeste d'humour, bref, d'une étrange modernité. Que dire aussi lorsque les auteurs parlent des statistiques du suicide qui font de ce pays, le premier au monde ! Soulignant que les autorités, un temps, ont songé à maquiller les chiffres notamment des morts par médicaments en "accidents"...
Et l'histoire ? Beck et Kollbertg sont envoyés en Scanie, au sud du pays, pour la disparition inquiétante d'une femme. Le truc, c'est que Folke Bengtsson habite juste à côté et qu'il a été condamné il a dix ans pour meurtre sadique. Et quand on retrouve le corps de la femme, à la fois la hiérarchie policière et les médias (peux glorieux eux aussi) réclament la tête de Bengtsson. Mais Beck freine. Des éléments apparaissent. Qui éloigne la piste si simple. L'enquête piétine et L'assassin de l'agent de police change de direction avec l'interpellation sanglante, plus loin en Scanie de deux jeunes cambrioleurs...
Très politique donc, social aussi, ce polar est un classique du genre scandinave et du genre tout simplement. Oui, encore une fois, il n'y a pas mille poursuites en voiture, flingues au vent. Mais c'est une auscultation profonde et rare d'une démocratie occidentale aux prises avec des démons que l'on retrouve aujourd'hui. De Simenon à Valerio Varesi, le chemin passe aussi par Sjöwall et Wahlöo. Cette enquête et Le policier qui rit sont sans doute les deux meilleures de la série.

L'assassin de l'agent de police (Polismördaren, trad. Philippe Bouquet), ed. Rivages, 408 pages, 9 euros.
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