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The killer inside me

Littérature noire

Il était une fois dans l'Est : Gomorra sauce goulash

Dans les discours, on proclame, la main sur le coeur, que la littérature n'a pas de frontière. Que tous les romans, tous les auteurs sont un, tous les lecteurs aussi. C'est bien sûr faux. 80% de ce que nous lisons provient des Etats-Unis ou de l'hexagone. Reste quelques miettes pour les hispanophones, les Anglais, les Italiens, sans oublier les Japonais. Mais après ? Agullo fait l'effort avec Il était une fois dans l'Est d'élargir l'horizon jusqu'à la Slovaquie. Un effort, parce que médiatiquement c'est difficile à vendre, commercialement tout autant. Et pourtant quel petit bijou de polar. C'est glauque, c'est corrompu, c'est hyper violent, c'est dramatique, c'est enlevé. Arpad Soltèsz réussi le tour de force d'évoquer tous les maux de son pays en 380 pages, à faire tenir cela avec une histoire forte, racontant les difficultés d'un pays pour entrer dans la démocratie après les années communistes. Les difficultés, tout simplement, pour survivre au fin fond de l'Europe.
Nika à seulement 17 ans. Son rencard du jour se révèle un pauvre con, même pas capable de payer le resto et qui la largue en plein milieu de la route, dans la campagne de Kosice, près de la frontière ukrainienne. Malheur pour elle : elle est prise en stop par Mammouth et un Russe, deux brigands locaux qui la séquestrent quatre jours, la violent, imaginent la vendre à un réseau albanais avant que Nika parvienne à s'enfuir... Bien sûr, il y a enquête et au milieu d'un nid de flics et de hauts fonctionnaires corrompus, il existe quand même une poignée d'Eliott Ness à la sauce slovaque. Le Barge et Miko sont deux flics, hargneux, pas moins violents que les mafieux du coin, aux méthodes expéditives. Ils arrivent à coincer Mammouth mais ce n'est pas aussi simple : ce porc a des appuis, chef de la communauté tsigane, il bosse pour deux agents des services secrets, pour un caïd local. Qui lui même est appuyé par un juge, des directeurs de police... La mise en examen pour viol et séquestration part en fumée. Miko et le Barge vont alors mettre Nika en sécurité tandis que Schlesinger, journaliste également épris de justice, va balancer ses infos. La pègre est gênée, l'affaire fait trop de bruit, pollue le business.
Maelstrom d'horreurs quotidiennes, Il était une fois dans l'Est ne ménage pas le lecteur. Pas tant dans les scènes de violences physiques, que tout un chacun a pu expérimenter ailleurs dans le roman noir, mais plutôt dans l'effondrement du système démocratique, dans une espèce de Gomorra façon goulash, avec ses tsiganes méprisés, son paysage gris et triste, sa gastronomie dégueulasse, son chômage récurrent, ses pots de vin, ses trafics sans fin avec l'Ukraine.
L'habileté d'Arpad Soltèsz réside dans ses discrets allers retours entre son histoire en 2000 et le présent de 2017, un joli piment qui soutient une narration inédite, sans chapitre, sans changement de décor juste un saut de ligne pour signifier que l'action se déroule ailleurs, avec d'autres.L'auteur maîtrise les codes du genre mais en propose aussi de nouveaux, avec un réalisme évident, quelques faits divers piochés ici et là, qui ne fait pas passer le roman pour un documentaire. Il y a ainsi toute une partie très romanesque dans un hôtel perdu, pour donner un semblant d'espoir, un brin d'humour aussi dans ce sombre décor
Du bon gros polar original, qui ne mégote pas sur les effets. Un des must de cette rentrée.

Il était une fois dans l'Est, (trad. Barbora Faure), ed. Agullo, 384 pages, 22 euros.
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