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The killer inside me

Littérature noire

Je suis l'hiver : sous la neige, une fille pendue...

Etrange roman noir. Voire très étrange. Imaginez les plaines argentines, des centaines de kilomètres sans relief, des rubans d'asphalte droit comme des i jusqu'à l'infini et rien, rien. Tout juste quatre maisons là. Une auberge de bord de route ici. Et personne aux alentours. C'est dans ce décor que s'installe Je suis l'hiver, de Ricardo Romero. Dans ce monde de silence, où le moindre écho est étouffé par la chape d'une neige fraîche, le bien nommé Pampa, jeune policier d'un poste rural découvre une fille pendue à un arbre. Secoué dans sa jeunesse par un père amputé d'une jambe, qui passait ses journées à écrire de la poésie que personne ne lisait sinon sa mère, Pampa n'a rien du héros classique de polar. Donc face à ce qui se révèle être la fille du quincaillier, il ne va rien faire, rien dire. Et attendre, dans la nuit, dans le froid. Que le coupable se montre. Ce qui ne va pas manquer d'arriver. Dans le village, ou ce qu'il en reste, une vieille vagabonde squatte les maisons abandonnées et se réchauffe en brûlant les croix en bois des tombes du cimetière, " le problème c'est les morts qui sont à l'air libre... moi je les sens, vous ne les sentez pas, vous monsieur l'agent ?"
Je suis l'hiver est quasiment dépourvu de dialogues. Par contre, il abonde en monologues intérieurs. Ceux de Pampa, homme obsessionnel qui, par exemple, joue sur la guitare de son père cinq morceaux qu'il a appris sur une méthode. Cinq morceaux, c'est tout, dans l'ordre de la méthode. Il conserve aussi les étuis des balles qu'il tire dans le tiroir de sa table de nuit. Forcément, il ne va pas faire les choses comme tout le monde en terme d'investigation. Mais Ricardo Romero sait se détacher de cet aspect un brin psychiatrique pour plonger dans la vie de la victime. Et de son assassin. Il dessine ainsi des trajectoires tragiques, tristes, très vite brisées par la vie. On est loin de la dichotomie, gentil vs méchant.
Pas un roman qui conviendra à tous les amateurs de polar mais un roman à l'ambiance XXL, un roman sur le silence et la solitude. La folie. A noter, un remarquable travail de traduction de Maïra Muchnik. Je suis l'hiver est pré-publié en France avant de l'être dans sa langue d'origine, l'an prochain.

Je suis l'hiver (Yo soy el invierno, trad. Maïra Muchnik), ed. Asphalte, 203 pages, 21 euros.
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I
Ricardo Romero (pas Moreno : "Mais Ricardo Moreno sait se détacher de cet aspect un brin psychiatrique pour plonger dans la vie de la victime".)
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