Littérature noire
29 Octobre 2020
François Boucq est un géant de la bande dessinée. Un géant du dessin. Il y a eu Face de lune bien sûr, Bouncer, western survitaminé avec déjà Jodorowsky au scénario, Le Janitor, un San Antonio et puis Bouche du diable avec donc Jérôme Charyn. Le début d'une relation fertile entre deux hommes qui se fréquentent désormais à travers la rédaction de Charlie Hebo. Il y a une poignée d'années, ils avaient offert au public Little Tulip. Voici la suite, New-York Cannibals. De la baston, des policiers sur les dents, un trafic d'enfants et d'anciens bagnards russes qui sévissent dans les rues de la Grosse Pomme.
Le lecteur retrouve Azami, plus grande, plus costaud puisque désormais membre du NYPD elle fait du culturisme, mais aussi son père adoptif, Pavel. A ce propos, il présente une énorme ressemblance avec Ariel, un des personnages du dernier roman de Charyn, Avis de grand froid : échappé d'un camp de la Kolyma, tatoueur de génie (on le savait depuis Little Tulip), on lui demande, à lui aussi, de dessiner des faux billets ! Voilà pour l'effet miroir.
Azami trouve dans une ruelle, un nourrisson. Rêvant d'enfanter, elle veut garder le bébé à la maison. En enquêtant, elle découvre un sombre trafic avec l'ignoble mac Quinto. Ce n'est pas tout, Pavel revoit surgir un ancien amour de son camp de travail, un amour qu'il pensait disparu et qui travaille pour une agence du gouvernement US. Enfin, c'est la Hyène qui refait également surface, une gouine bien barrée, à la tête d'une escouade de filles body buildées, persuadée de réaliser les voeux d'une étrange déesse avec des cérémonies à base de sang humain.
C'est complètement allumé, hyper rythmé, dans un décor de polar fantastique et avec le style de Boucq, ce soin unique apporté aux visages et aux yeux,, un découpage de joaillier et ces ambiances... la scène de la rencontre d'Azami avec l'Albatros dans les rues de New-York avec ce ciel rouge et bleu ! Et cette scène finale de pure bastonnade dans les flammes. Il y a quelque chose de tout siplement jouissif dans cet album, de l'action, une héroïne, de bons sentiments, des vraies méchantes. Et une belle mise en lumière, dans ce New-York des années 90, des plus malheureux, estropiés ou sans domicile fixe.
De la grande BD, level 5, du genre qui se relit facilement tant c'est riche. En prime, pour les amateurs, quelques croquis noir et banc en fin de cahier.
New-York Cannibals, ed. Le Lombard, 152 pages, 24,50 euros.