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The killer inside me

Littérature noire

Que ma mort soit une fête : dans les barrios de Buenos Aires

Victor Vital, dit El Frente, avait 17 ans le 6 février 1999 lorsqu'il a été abattu par la police de Buenos Aires. 17 ans mais déjà une vie très remplie. Fêtard, amant, braqueur mais surtout enfant des rues des bidonvilles de la capitale argentine. Dans un pays en crise économique perpétuelle, Victor Vital se construit en deux ou trois ans une image de Robin des bois, celui qui redistribue le fruit de ses différents larçins. 
Attention, Que ma mort soit une fête est bien une non-fiction. Cristian Alarçon, journaliste et enseignant, s'est plongé durant deux années dans les méandres des villas (bidonvilles) 25 de Mayo, San Francisco, La Esperanza, autant de villages abandonnées au nord de Buenos Aires. Le travail d'Alarçon rejoint en quelque sorte celui de Juan José Martinez d'Aubuisson sur les bandes du Salvador (en moins violent tout de même) : immersion, patience, rencontres, partages. C'est fascinant à plus d'un titre. D'abord on y découvre une jeunesse qui, dès ses 12 ou 13 ans, se retrouvent à survivre, loin des parcours scolaires. L'argent manque, la nourriture manque. C'est aussi simple, dans un pays où les aides sociales ne sont pas à la hauteur. Ensuite, il y a chez ces jeunes délinquants, une forme de code d'honneur. Qui consiste bien sûr à ne pas voler chez les voisins. Et donc à partager. Cela veut dire dépenser l'argent dans un club de cumbia et faire profiter toute la bande. Cela veut dire également, braquer un camion citerne de lait et le distribuer à tous ceux du quartier. El Frente était connu et respecté pour cela. Que ma mort soit une fête montre que cette organisation sociale très structurée se délite dans la drogue depuis les années 2000. La came existait avant, que ce soit la colle, l'herbe ou le rohypnol, mais désormais elle devient l'économie centrale des barrios. Enfin, le livre évoque clairement le rôle des escadrons de la mort, ces unités policières qui tuent sans sommation. Ce fut le cas pour El Frente, pour d'autres aussi. Avec, en filigrane, une corruption XL avec les trafiquants locaux.
Très vivant, forcément, cette enquête se lit comme un polar, entre Pelecanos et Winslow, rempli de personnages hauts en couleurs, de drames (ce pauvre Daniel plongé dans le coma...) et de mères impuissantes face à ce monde. Indirectement, on repense à la folie qui a pu entourer Diego Maradona. Et on comprend un petit peu mieux.

Que ma mort soit une fête (Cuando me muera quiero que me toquen cumbia, trad. Michèle Guillemont), ed. Marchialy, 187 pages, 20 euros.
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