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The killer inside me

Littérature noire

Les somnambules : virus, milices armées, intelligence artificielle

C'était les années 80 et on prenait son pied avec de bonnes séries B. Au cinéma, il y avait toute une palanquée de Schwarzenegger, de films d'horreur sans prétention. En littérature, les Stephen King, Clive Barker faisaient notre bonheur. Pas trop de sérieux, mais du frisson, de l'aventure, des sensations. Il y a dix ans, les éditions Super 8 avaient retenté le coup de la littérature de divertissement de haut niveau avec Dernier meurtre avant la fin du monde, Une pluie sans fin, Version officielle... aujourd'hui, tout naturellement, c'est Sonatine qui remet une pièce dans ce juke box nostalgique avec Les somnambules. Et bon sang, ça fonctionne encore, c'est bien écrit, solide et léger à la fois. Mais, comme dans tout roman, qui joue avec le fantastique ou l'anticipation, ça interpelle sur les dérives de ce monde.
Cela démarre le 3 juin en Pennsylvanie. Nessie Stewart, adolescente, est sortie de chez elle au matin, sans raison. Et elle marche sur la route, le regard vide, muette. Une somnambule. Sa grande soeur Shana fait tout pour l'interpeller, se met devant elle, lui prend la main, la benjamine continue son chemin. La panique monte d'un cran lorsqu'un homme, puis une femme rejoignent Nessie pour marcher avec elle. Et ainsi de suite, toutes les deux heures. Les parents de ces malades d'un nouveau genre s'organisent pour les suivre, les protéger. Lorsqu'un officier de police tente d'en interpeller un pour l'isoler, le malheureux somnambule explose littéralement dans un magma de sang. Le Center for Disease control et l'Epidemic intelligence service envoient toute une équipe pour tenter de comprendre avec l'aide d'une intelligence artificielle envahissante. Pendant ce temps la campagne présidentielle américaine fait rage avec d'un côté une présidente tendance démocrate qui se représente et, en face, un candidat un rien trumpiste qui souffle sur les braises du complot en pointant du doigt les somnambules. Les survivalistes yankees surarmés ont choisi leur camp et décidé de faire un carton sur ce "troupeau". Loin de ces considérations, au Texas, un pdg de parc de loisirs, mégalomane, pour agrandir son empire, fait sauter une poignée de grottes, libérant des chauve souris affolées qui mordent tous ceux qu'elles rencontrent. Et ce n'est pas une simple grippe qui se profile...

Très riche, avec plus de 1100 pages, Les somnambules empruntent à toutes les phobies actuelles, sur la maladie, l'impuissance de la médecine, mais aussi la radicalisation des idées, la violence latente. Le lecteur blasé pourrait dire "oui, Stephen King a déjà traité de tout cela". Le lecteur attaché à ce genre trouvera, lui, un roman solide, précis dans ces descriptions médicales, fouillé sur la question des épidémies, et au rythme incroyable. La diversité des personnages permet à l'auteur, Chuck Wendig, de multiplier les intrigues, éventuellement les relations sentimentales (quand c'est la fin du monde, ça fait du bien). Surtout, Wendig ménage remarquablement son suspense. Où vont ces marcheurs ? Comment contrer ce virus ? Qui pour stopper cette armée de survivalistes racistes ? Maintenir un tel intérêt, pour ne pas dire un tel flip !, sur autant de pages ! Chapeau.

Les somnambules (The wanderers, trad. Paul Simon Bouffartigue), ed. Sonatine, 1167 pages, 25 euros
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