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The killer inside me

Littérature noire

Sévices : cette pépite poisseuse de Ted Lewis

Bon sang de bois ! Quel classique ! On parle souvent de l'Anglais Ted Lewis pour son personnage de Jack Carter. Mais Sévices est sans problème un cran bien au-dessus. Grevious Bodily Harm (grave liaison corporelle), voilà un titre original illustrant un peu mieux ce qui attend le lecteur.
On est à Londres (appelée Le brouillard) à la fin des années 70, début des années 80. George Fowler est un malfrat du porno. Il tourne des films, les revend. Propose parfois des snuff movies à des sommes délirantes. Son business, protégé par quelques flics engraissés, couvre toute la Grande-Bretagne, avec des ramifications étrangères. Il est riche et heureux avec sa femme, Jane, sexy et diabolique. Mais voilà qu'il s'aperçoit que certains de ses collecteurs trafiquent les chiffres et le gonflent de plusieurs centaines de milliers de livres depuis plusieurs mois. Trois de ses hommes sont donc "convoqués". Travaillent-ils pour les Shepherdson, le gang concurrent ? Deux fils dénudés, des gifles aident parfois à en savoir plus. Mais pas là. Jusqu'à ce que la femme de l'un des collecteurs, justement en fuite, soit retrouvée massacrée à Amsterdam.

La prose de Ted Lewis, incroyable styliste, est visqueuse, gênante, malsaine. Le coup de génie narratif est de superposer la situation de George Fowler quelques mois plus tard, lorsqu'il s'est mis au vert dans une station balnéaire de l'Est de l'Angleterre. Dans une ambiance de fête foraine en sommeil, le voyou traîne de pubs en pubs, marche sur la plage, et rencontre une Lesley, jeune fille splendide qui va chanter pour un groupe de ringards du coin. Une Lesley qui lui rappelle quelqu'un qu'il a connu. A moins que ce soit une journaliste fouille-merde ? Ou bien une envoyée des Shepherdson ? Ted Lewis installe ainsi une vraie paranoia, envahissante. Et Sévices, page après page grimpe ainsi les marches d'une folie violente. Pour compliqué qu'il paraisse dans son début, avec un certain nombre de personnages, le roman retombe très vite sur ses pieds et l'engrenage tourne au millimètre, l'avocat de confiance, le tueur à gages, le flic corrompu, la femme fidèle. L'autre marque de ce grand roman, c'est cet emploi de la première personne pour bien faire entrer le lecteur dans la schizophrénie de George Fowler, dans sa démence. Le lecteur se retrouve privé de regards extérieurs, coincé par les interprétations de chaque action, sentant petit à petit un piège se refermer sur lui.

C'est juste brillant et noir. Typique d'une littérature des années 80, sans concession, engagée en terme littéraire, foncièrement pessimiste et géniale. 

Sévies (Grevious Bodily Harm, trad. Jean Esch), ed. Rivages, 350 pages, 8, 90 euros
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C
Exactement, Sévices, c'est une pépite...
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