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The killer inside me

Littérature noire

Sarah Jane : philosophie et poésie d'une femme shérif

Tant que l'on ne l'examine pas à la loupe, une existence peut sembler sans intérêt, à peine digne d'être vécue, mais si on y regarde de près – et c'est vrai pour chacune d'entre elles -, on n'a pas fini d'être surpris, déconcerté, troublé. »
A 76 ans, James Sallis poursuit son parcours poétique dans les plis de l'existence, apportant son regard rempli de bienveillance aux plus humbles. Avec Sarah Jane, voici un personnage féminin qui lui ressemble tellement. Comme le shérif Hobbes paraissait un double dans Willnot. La protagoniste de son nouveau roman est, d'ailleurs, elle aussi, une représentante des forces de l'ordre, quelque part du côté de Saint-Louis. La quarantaine, elle a grandi dans une ferme, avant d'embrasser les différents métiers de la restauration et une expérience traumatisante dans l'armée. C'est une femme avec un passé, une expérience et une grande humanité. Aussi, quand son collègue, Cal, disparaît du jour au lendemain, c'est l'inquiétude, le désarroi. Et si lui disparaît, d'autres débarquent. Un homme du FBI par exemple. Un policier du Nouveau Mexique également. Sarah Jane est perturbée mais elle doit tout de même s'occuper : il y a un adolescent qui a disparu, il y a madame Whit qui réclame sa présence à la maison de repos, sans oublier Sid, son nouveau compagnon.
Attention, sous ses airs de peinture d'une ville tranquille du cœur des Etats-Unis, Sarah Jane est aussi un roman dans lequel James Sallis s'interroge sur son rôle d'écrivain, « je me suis rendu compte ce matin que ça ne me paraissait plus important de continuer à écrire. » Non l'auteur ne balance pas tout par la fenêtre, heureusement pour ses lecteurs. Mais il s'interroge vraiment sur la place de chacun dans ce monde. Et sur notre disparition, naturelle ou pas. Questionnement que l'on retrouvait déjà, dans Le tueur se meurt. Comme à son habitude, Sallis réalise cela avec une élégance incroyable, toujours sans avoir l'air d'y toucher, par quelques traits à peine perceptibles. Sans doute pour mieux faire ressortir la beauté d'une vie toute simple. Il y a ainsi, résumé, cette scène merveilleuse quand Sarah Jane va régler un conflit familial qui voit les enfants d'Abel Holland demander la mise sous tutelle de leur père. Celui-ci perd peut-être un peu la boule, c'est vrai. Mais il a cet éclair de lucidité devant cette policière pleine d'humanité : « ce qui se passe quand on arrive à la fin du voyage, c'est qu'on se prend à espérer que notre vie – et on a beau regarder, ça, on en peut pas le voir – ben on espère qu'elle a ressemblé à quelque chose. »
Encore une fois, et c'est le génie de cet auteur, en moins de 200 pages, le lecteur est harponné à ces petites vies, collé à leurs problèmes (fréquents), leurs joies (plus rares). Et outre de la poésie, il y a un monceau de philosophie dans l'oeuvre de Sallis, une façon unique de porter le roman noir vers une autre dimension. C'est ce qui en fait son caractère indispensable.

Sarah Jane (trad. Isabelle Maillet), ed. Rivages, 207 pages, 18 euros
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