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The killer inside me

Littérature noire

Coupez ! : Brookmyre dans les coulisses du cinéma d'horreur

Milicent Spark, 72 ans, sort de 24 années de prison pour le meurtre, qu'elle a toujours nié, de son compagnon. Elle trouve un temps refuge chez son frère. Mais, très vite, quand celui-ci décède, c'est une amie qui l'invite en colocation, à Glasgow. La dernière chambre vide est louée à Jerry, un jeune étudiant en cinéma. Et cela tombe plutôt bien, parce que, grand amateur de cinéma d'horreur, il va découvrir que Milicent était maquilleuse spécialisée en effet spéciaux sur les plus grands films du genre. Notamment sur le film maudit,  Mancipium, au négatif brûlé, à la réputation sulfureuse. Sauf qu'avant de découvrir tout cela. Sauf qu'avant de mieux se connaitre, Jerry et Milicent vont découvrir que le compagnon assassiné il y a plus de deux décennies était un flic sous couverture. L'ex maquilleuse pose trop de questions, remue trop la poussière qui couvre cette affaire. Un homme est envoyé chez elle pour l'éliminer, Jerry lui tombe dessus et le fracasse d'un coup de marteau. L'ancienne taularde et l'étudiant doivent vite faire leurs bagages. Direction Paris pour rencontrer la productrice de Mancipium. Puis Milan...
Grand hommage de Chris Brookmyre aux cultures populaires, que ce soit le cinéma d'horreur ou la musique métal dont Jerry porte quotidiennement des tee shirts. Mais Coupez ! tourne avant tout autour du film gore. Clin d'oeil à Chucky, au plus récent The descent, à Evil Dead, au Silence des agneaux, à Cannibal Holocaust ainsi qu'à des grands maquilleurs comme Tom Savini (également acteur dans le mythique Zombies, sur son chopper, machette en main !). On sent bien que l'auteur a baigné dans ce cinéma, il en a les codes, cette folie pour les magazines spécialisés, les affiches, sans oublier les légendes les plus folles (on pense au Blood Feast d'HG Lewis en 63). Brookmyre, par un jeu classique de flash backs, donne à lire l'envers de ce cinéma, avec un réalisateur de gialli, les tensions avec ses producteurs, les fêtes à base de champagne, de coke et de filles... c'est d'ailleurs dans une de ces fêtes que se noue l'intrigue.
Si Coupez ! est moins politique que d'autres oeuvres de l'auteur écossais, il ne peut s'empêcher de donner quelques coups de griffe, "des gens qui étaient allés tellement plus loin que leur talent n'aurait dû leur permettre... il n'y a qu'à regarder la composition du gouvernement britannique actuel,, où le Médiocre en chef régnait sur un genre de méritocratie, mais inversée."
Si Brookmyre est toujours aussi à l'aise dans les intrigues tortueuses, si son lecteur se plaît de la même façon à se perdre, il était difficile de faire aussi magistral que le précédent opus, L'ange déchu. On peut reprocher ici et là, une petite facilité narrative, une ou deux coïncidences. Toutefois le duo jeune-ancien, souvent périlleux, fonctionne finalement assez bien parce que les clichés sont évités et parce qu'il y a aussi une réelle bienveillance. Une fois de plus avec ces Ecossais, on ne sait pas vraiment s'il faut réellement aimer cette Milicent, agaçante victime, dépassée par la vie au XXIe siècle. Il en est ainsi de ces héros à Glasgow ou Edimbourgh, pas forcément glamour, un peu limite souvent mais paradoxalement attachant. Avec Coupez !, et cet univers du film d'horreur, Chris Brookmyre dévoile un peu plus ce qui a fait sa jeunesse : on savait pour la musique, le punk, on sait désormais pour le cinéma à la Tobe Hopper. Un mec bien en somme.

Coupez ! (The cut, trad. David Fauquemberg), ed. Métailié, 510 pages, 22, 50 euros
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