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The killer inside me

Littérature noire

Pas de littérature ! : l'hommage taquin au polar des années 50

Mise en abîme polissonne de la part de Sébastien Rutès avec ce Pas de littérature !. L'auteur s'amuse autant qu'il provoque, il titille le monde littéraire et La Série Noire tout comme il écrit avec une certaine malice. Ce Pas de littérature ! pourrait se situer entre les romans de Luc Chomarat pour son introspection sur la création littéraire et, parfois, sa vacuité, et Franz Bartelt pour son humour de situation, son ambiance aussi.
Mais par où commencer pour parler d'un tel roman ? 
Gringoire Centon est traducteur pour Marcel Duhamel à la sortie de la guerre. Enfin, traducteur... sa femme, Gisèle, reine de la blanquette entre autres, traduit et, lui, remet tout ça dans l'argot cher au patron de la SN. "J'avais beau ne pas en parelr un traître mot jusqu'à récemment, l'argot était devenu le refuge de mes prétentions stylistiques..." C'est que Centon a écrit un roman, vite oublié, baptisé L'urinoir (n'est-ce pas Rutès qui avait écrit La vespasienne il y a dix ans ?...) Ne maîtrisant pas plus l'anglais que l'argot, voilà cet homme fréquenter les bars louches de Paris pour perfectionner son vocabulaire de la rue. A table avec un Américain, il se voit présenter Jo le Chanceux, marlou à la recherche d'un nègre, curieusement disparu, qui écrivait les mémoires de son boss. Pour arrondir les fins de mois difficiles, Centon accepte le job et trouve assez rapidement l'auteur capable d'écrire dans ce style. Mais, sauf erreur, ce collabo, est mort. Et voilà qu'il est question de CIA. De communistes bloquant les ports pour protester contre la guerre en Indochine. On parle de Villon. De Gillespie.
Hommage aux heures dorées de La Série Noire, Pas de littérature ! en amusant le lecteur pose aussi des questions essentielles sur la traduction, la trahison, la re-création du texte et rappelle à quel point les premières traductions de la collection étaient un brin caviardées. D'où le titre du roman de Rutès. Qui aborde aussi l'influence des auteurs américains dans cet immédiat après-guerre, emprise culturelle que certains ont vainement tenté de combattre en interdisant le Coca-Cola par exemple, en défendant les lettres françaises ou en protestant contre les guerres impérialistes. Mais Pas de littérature !, c'est aussi un polar, l'aventure de Gringoire Centon aux prises avec Le Sachem, grande figure de la pègre tricolore, menacé par ses pairs, soucieux de l'éducation de sa fille et amateur de littérature. De quelques jours à ses côtés, Centon va-t-il pouvoir tirer, enfin, un bon roman ? Est-ce que cela suffit pour écrire ? Qu'est-ce que la grande littérature au final ? " La jalousie que la grande littérature éprouve devant ces niaiseries écrites à la va-vite est celle des enfants de bonne famille qui observent tristement, à l'arrière de leur voiture de maître, les gamins de rue s'amuser avec un ballon crevé. "
Roman malin, aux différents niveaux de lecture, Pas de littérature ! n'est pas un exercice de style mais bien un polar ambiance 50's qui prend le temps de s'interroger sur lui-même. Sans théoriser. Et ça fait du bien. Après le génial Mictlàn, Rutès se montre toujours autant insaisissable.

Pas de littrature !, ed. La Noire, 253 pages, 19 euros
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