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The killer inside me

Littérature noire

Le bonheur d'une nouvelle virée avec Soneri

Il faut avouer qu'une bonne série parvient à vous lever une part d'objectivité. Une fois que vous avez investi de l'affection, que vous avez placé de la confiance dans un personnage, vous y retournez comme on va voir un vieil ami. Les exemples ne manquent pas, de Milodragovitch chez Crumley, à Kenzie/Gennaro chez Lehane (quoique sur la fin), en passant par Iles & Hapur chez Bill James, le Fabio Montale d'Izzo ou plus récemment le Harry McCoy d'Alan Parks. Sans doute que dans un univers littéraire où les sorties sont trop nombreuses, le lecteur se réfugie dans une valeur sûre, comme un phare. C'est ainsi depuis le printemps 2016 avec Le fleuve des brumes et le commissaire Soneri de Valerio Varesi. La huitième enquête, Ce n'est qu'un début, commissaire Soneri, entretient cette veine à la Simenon, d'un polar sans course poursuite, sans un coup de feu tiré et, pour cette fois, juste vingt-trois coups de couteau. La victime n'est pas un inconnu : Elmo Boselli, septuagénaire, autrefois leader de l'extrême gauche à Parme. Largement retiré du monde de la politique, vivant de petits boulots et vivant surtout aux crochets d'une riche bourgeoise. Des paradoxes comme celui-ci, le commissaire Soneri va en rencontrer plus d'un pour savoir ce qui est arrivé à Boselli. D'abord le fils de l'agitateur politique est carrément d'extrême-droite. Par rejet paternel ? D'anciens camarades de lutte sont devenus des notables. Tandis que les plus fidèles aux idées se noient dans l'obscurité de tavernes oubliées. Et puis il y a ce jeune roumain qui s'est suicidé quelques heures avant Boselli. Il venait de La Spezia, appartenait, lui aussi, à un groupe de supporters très bruns. Soneri, en compagnie de la toujours désirable Angela, se voit forcé de faire la route entre les brumes de Parme et le littoral génois. L'occasion de goûter un risotto aux oursins par ci, des scartafin par là.
Valerio Varesi, avec sa mélancolie gourmande habituelle, sonde une fois encore les histoires de Parme et de l'Italie. Les histoires politiques qui, dans la péninsule, n'ont jamais été un fleuve tranquille et sont, pour peu que l'on s'y intéresse, autant passionnantes que tragiques. Il est donc question d'engagement, de fidélité à ses engagements mais aussi de paternité, de ce que l'on laisse, autant à la société qu'à ses plus proches. Et l'auteur de s'interroger, avec sa discrétion habituelle, sur le revirement d'une société de partage, d'idées à un monde où la haine se cultive. Ce n'est pas pleurnichard, ce n'est pas moraliste, certains moments contemplatifs immergent le lecteur dans ces montagnes traversées ou dans les ruelles chargées d'histoire de la cité parmesane. Un nouveau Soneri (même s'il date de 2010) en plein coeur du printemps, c'est l'assurance d'un moment intelligent, une lecture qui paraît stopper le temps pour regarder derrière, s'interroger. Et manger des annolini au bouillon et aux tripes avec un nuage de grana.

Ce n'est qu'un début, commissaire Soneri (E solo l'inizio commissario Soneri, trad. Florence Rigollet), ed. Agullo, 347 pages, 22 euros.
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