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The killer inside me

Littérature noire

L'espionnage du XXIe siècle vu par John le Carré

L'espionnage du XXIe siècle vu par John le Carré

Pour une fois, on ne fait pas dans le polar. Ni dans le thriller. Mais dans le roman d'espionnage. Avec son maître, John le Carré qui vient de sortir en France Un traître à notre goût. Pour être sincère, l'espionnage n'est franchement pas ma tasse de thé, beaucoup trop d'images renvoient (stupidement ?) à James Bond, ou à des scénarios à multiples ressorts parfois impossibles à suivre... Toutefois il faut savoir reconnaître l'écriture d'un grand. John le Carré n'est pas vieillot, n'est pas classique : il a un style, une élégance et une technique hors du commun. Sachant construire des histoires avec des bouts de hasard, de rencontres improbables. Tel ce couple de jeunes britanniques qui partage une partie de tennis avec le patron russe du blanchiment d'argent...

Les 150 premières pages d' Un traître à notre goût sont tout bonnement délicieuses. Le Carré nous conte à la fois la rencontre de Perry et Gail, le couple anglais - avec Dima et sa famille nombreuse - tout comme il anticipe en relatant la rencontre du même couple, trois semaines plus tard, avec les services de sécurité de Sa Gracieuse Majesté. Les deux temps se chevauchent admirablement avec une fluidité incroyable. Perry et Gail se prenant petit à petit au jeu, acceptant de servir d'intermédiaire à Dima qui sent bien que son temps est révolu ( " on est tous paranos " ) et que les nouveaux barons du crime vont, très prochainement se passer de lui avec force plomb, comme ils se sont débarassés de son protégé Misha avec une belle indigestion de kalachnikov... Pour illustrer l'intrusion des deux tourteraux britanniques dans le monde de l'espionnage, le Carré a ce mot subtil : " vous vous êtes aventurés par pur accident dans un champ de mines monstrueux. "

Parce que Dima tient tous les registres du blanchiment d'argent de la mafia russe. Des sommes colossales qui sont sur le point d'atterrir sur la place financière londonienne grâce à un lobbying pour le moins à la limite de la légalité. Le tryptique mafia-finances-politique se dessine avec une puissance de nuisance insoupçonnable. Et pour les services secrets du Royaume Uni, il s'agit bien de convaincre les plus haute autorités de l'intérêt à accepter le marché de Dima : protection totale de sa famille contre des renseignements explosifs.

" Quelle valeur a la parole de votre service ? Les gentlemen qui mentent pour le bien de leur pays, c'est bien vous non ?

- Cela c'est les diplomates. Nous, on n'est pas des gentlemen.

- Alors vous mentez pour sauver votre peau.

- Encore raté, ça c'est les hommes politiques. Rien à voir."

On peut regretter une perte de rythme au milieu du livre lorsque le Carré nous détaille les intrigues internes aux services secrets mais, à 80 ans, l'auteur, cynique, sait se reprendre avec un final se suspense fort qui laisse le lecteur coi. Bref, le Carré, entre les Caraïbes et les Alpes autrichiennes, nous parle d'un monde parallèle, de mafieux et d'espions, qui n'est pas près de s'écrouler.

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