La monstrueuse guerre d'Irak vue par John Connolly

La guerre en Irak reste fascinante tant elle distille son lot d'émotions, de sentiments, d'impressions contraires. C'est en fait la présence américaine sur ce sol qui nous interpelle. Une présence qui a des conséquences incalculables sur la santé psychologique des soldats qui en reviennent. C'est ce thème qu'aborde l'auteur irlandais, John Connolly dans Les murmures : qu'avons-nous fait de nos jeunes militaires ? Comment avons-nous prévenus leurs futurs troubles ? Dans un roman ultra noir, jonglant avec le thriller fantastique, il dresse le portrait d'une société dure qui, depuis le Viet Nam, n'a guère évolué et toise toujours ses anciens combattants d'un drôle d'oeil.

Le détective privé, Charlie Parker, est chargé d'enquêter sur le suicide d'un de ces jeunes Marines. Suicide inexplicable tant le gamin avait l'air d'être revenu d'Irak plutôt en bonne forme, physique et psychologique. Mais dans le Maine, son ancien bataillon s'est reconstitué en une sorte de société secrète, organisatrice d'un trafic juteux mais visiblement périlleux, en provenance du Canada. Les questions que pose Parker commencent à titiller un vieux mafieux du coin. Mais aussi les Mexicains sans lesquels rien d'illégal ne peut et ne doit être réalisé. Le lecteur doit ainsi se frotter à une ambiance faite de violence non avouée, de menaces, de secrets. Comme un équilibre précaire avant l'hécatombe. La marchandise qui transite dévoile ses origines au fil des pages, tout comme elle dévoile que d'importants collectionneurs, sans pitié, sont sur ses traces. Car d'Irak, ces militaires ont ramené une pièce unique et maléfique. Un objet suintant le Mal, qui rend fou, qui obscurcit les pensées, pousse aux gestes les plus improbables. John Connolly embrasse là le thriller fantastique, dans la veine des meilleurs Stephen King.

Certes, ce n'est pas le polar number one de l'année mais il a cette avantage non négligeable d'aborder cette question forte de la prise en charge des soldats qui reviennent d'Irak (ou d'Afghanistan sans doute aussi) brisés, essorés par la folie du conflit. Car au-delà des images de CNN, au-delà d'une trame véridique sur le pillage des musées irakiens, cette chair à canon est le symbole d'un pays qui envoie les plus malheureux se faire trucider à des milliers de kilomètres de chez eux...

Les murmures, John Connolly, ed.Presses de la cité, 448 pages, 20 euros.