David Peace dynamite les codes du roman noir dans 1980

Je tiens David Peace pour le plus grand auteur de romans noirs. Voilà, c'est dit. L'Anglais possède ce style unique, fait de répétitions inlassables, de discours croisés, mais aussi d'un vocabulaire direct, très fort, brutal. A mes yeux, Peace applique au roman noir, la vision des chantres du Nouveau Roman : une destructuration du récit, un sens de lecture brouillé... Je n'avais pas eu le temps de finir sa tétralogie. Après 1974 et 1977, j'avais calé, honteusement, pris par toutes ces nouveautés qui nous assaillent. Mais bon, encore une fois, les vacances, c'est fait pour corriger ces lacunes. 1980 poursuit ainsi l'enquête sur l'Eventreur du Yorkshire à travers le regard de Peter Hunter. Mais rien n'est facile dans cette région pluvieuse de Leeds et surtout pas une contre enquête sur les méthodes policières.

Parce qu'Hunter va fouiner pour s'assurer que depuis 1974 tout a été correctement fait. Evidemment qu'il n'est pas bien vu. Pour lui, cette enquête toutefois est une chance parce qu'il peut s'extraire aussi de sa vie de couple littéralement minée par l'impossibilité d'avoir un enfant. Alors, il se livre à fond, recherche toutes les archives, monte une équipe de super enquêteurs, au-dessus de tout soupçon. Pendant ce temps, les cadavres s'accumulent. La peur gagne la population, la nervosité s'installe chez des flics aux méthodes plus que border line. Petit à petit, le cauchemar s'invite, avec ce Hunter quasiment isolé, victime de coups bas et de sales coups plus spectaculaires. L'écriture de David Peace est formidable et difficile, mais colle au texte, tout cela est poisseux, dur, démoralisant, étouffant. On sort vidé de 1980. Et c'est génial.

Dans cette récente vidéo (si on saisit un brin l'anglais), Peace évoque avec précision sa tétralogie, The red riding quartet, et confie, entre autres, qu'il n'est plus très à l'aise avec certains passages de 1974.

Interview de David Peace

1980, ed. Rivages/Noir, 523 pages, 9, 50 euros.