Littérature noire
17 Novembre 2011
Nicolaï Lilin est un tatoueur sibérien, vivant aujourd'hui dans le nord de l'Italie. L'an passé, il publiait ce qui allait être le premier tome de ses souvenirs de jeunesse : Urkas !... Oubliez les images pseudo romantiques des brigands à la mode sicilienne : les vrais méchants, ce sont eux, les Sibériens, organisés en une société ultra secrète et ultra violente. Bon, c'est vrai que l'on n'a pas attendu Lilin pour savoir que les Russes, les Ukrainiens, les Tchétchènes et leurs voisins étaient relativement sanguinaires. Mais l'intérêt d'Urkas ! , c'est justement de pénétrer sans fard ce monde.
Le lecteur se rend d'abord bien compte à quel point les Sibériens de Transnistrie ont été victime d'ostracisme sous le communisme. Leur communauté, très structurée, a été brisée par les règles folles d'une politique qui visait à unifier tous les peuples de la Grande Russie. C'était sans compter avec la fierté des Sibériens qui, lorsqu'ils n'ont pas été déportés par villages entiers, sont partis se réfugier dans les forêts. Fidèles, s'interdisant de jurer et attachés plus que tout à leur liberté, les Sibériens protègent les faibles(" j'ai acquis la conviction que les malades mentaux sont des êtres qui ont conservé leur pureté native...") et se montrent sans aucune pitié. Ainsi cette anecdote d'un ancien qui avoue avoir tué un couple de toxicos qui avait laissé leur nourrisson mourir de faim... Leur pire aversion restant pour la police : " " j'ignore s'il s'est vengé mais il a passé sa vie à tuer des flics. Il collectionnait les insignes des agents de police et des forces de l'ordre qu'il avait trucidés dans sa longue carrière."
Authentique documentaire, Urkas ! se lit sans temps mort, hésitant entre la fascination pour ce monde de solidarité ultime et l'écoeurement face à la violence la plus crue. Tous les codes et notamment l'usage savant des tatouages sont ainsi expliqués au lecteur, proprement abasourdi par cet univers qui a peu connu les faveurs du cinéma ou de quelconque autre médiatisation. Un livre assez unique et une suite très attendue, déjà publiée en Italie.
Urkas !, ed. Denoël et d'ailleurs, 490 pages, 23, 50 euros.