Littérature noire
28 Mars 2012
Sorti l'an dernier aux éditions La Tengo, Paris la nuit, de Jérémie Guez vient d'être publié en poche, chez J'ai Lu. L'occasion de revenir sur cette belle claque, bien sèche (126 pages), du genre à vous faire siffler les oreilles et crisser vos dents. Il y a là, une matière puissante pour un bon long métrage dans les quartiers de la Goutte d'Or, Belleville, Rochechouart... Le crescendo de Jérémie Guez est implacable, la tragédie pointe son nez et si on est jamais surpris de cette spirale de violences, on est parfois forcé de reprendre son souffle après quelques pages très speed.
Abraham n'a pas encore la trentaine mais distille son ennui avec quelques joints, un peu d'alcool et, surtout, ses amis, au premier rang desquels Goran. Dans ces quartiers nord de Paris, l'horizon est sombre, comme les trottoirs dégueulasses de Belleville. Petits loubards, ils vivent de quelques trafics. Jusqu'au jour où, à cinq, ils décident de braquer une partie de poker.
Il n'y a aucun romantisme dans le roman de Jérémie Guez, aucune pitié non plus, aucune condescendance pour son personnage principal d'Abraham. Ce n'est qu'un vil et violent dealer monté au braquo. On l'observe, écoeuré, infiltrer le milieu des étudiants pour offrir son héroïne, histoire de faire grossir le rang des junkies qui s'approvisionneront chez lui. Un (mauvais) avocat dirait que ce garçon a manqué de l'affection d'une mère. Mais Abraham a ce côté nihiliste parfaitement lucide : " je préfère me brûler les ailes, quitte à mourir avant trente piges, que ranger les étagères d'un supermarché jusqu'à la fin de mes jours. "
Encore un sacré livre qui questionne et qui montre que le roman noir français, ces douze derniers mois, a su dévoiler des considérations sociales très intéressantes, reflet d'une société où il ne fait pas bon vivre pour tout le monde.
Paris la nuit, ed. J'ai lu, 125 pages, 4, 70 euros.