Cathi Unsworth habille Jack the Ripper à la mode 60's

On doit, notamment, à Cathi Unsworth Le chanteur mais aussi Londres Noir chez Asphalte. Deux ouvrages, très différents évidemment, forts, noirs et bien écrits. Son petit dernier, Bad Penny blues, est plus difficile à appréhender parce qu'il a plusieurs facettes et on a l'impression parfois de se battre avec un satané Rubik's Cube. C'est parfaitement construit mais on pense partir sur un polar classique avec, en toile de fond, le monde artistique de Londres au début des 60's et puis ça tourne en vrai thriller, dans les bas fonds de la capitale british. Mais il y a un truc formidable avec Unsworth : c'est sa capacité à écrire sur sa ville.

Bad Penny Blues se déroule entre 1959 et 1965. L'Angleterre, si puritaine, est secouée par le scandale Profumo et une prostituée vient justement de se faire zigouiller sur les bords de la Tamise. Peter Bradley, jeune flic intègre, est le premier sur les lieux. Le livre suivra son parcours, son ascension durant cinq ans. Comme il s'attachera à Stella, étudiante en arts, qui se réveille en sueur d'un horrible cauchemar avec, justement, cette prostituée dans le premier rôle... Unsworth, brique par brique, construit ces deux univers, multiplie les personnages secondaires, enrichit la psychologie de Peter et Stella. N'omettant jamais d'insister sur cette ambiance très paradoxale : bobo chez les artistes autour de Stella, glauque, moite chez les putes et les voyous que fréquentent Peter. Deux mondes qui, on le sait depuis l'Antiquité, sont condamnés à se croiser, à se mêler. Entre les meurtres de prostituées et les visions de Stella, Bad Penny Blues peint une ville où les appétits des puissants ne sont pas seulement financiers...

Le lecteur se perd parfois dans les seconds rôles, James, Dave, Chris, Coulter, Bream, Bell, Toby, Pat... mais le ciment du roman demeure Londres. Donc, si vous aimez Soho, Landsdowne road, Chiswick, Ladbroke Grove, foncez ! Et puis, comme d'hab', Cathi Unsworth nous régale de ses connaissances encyclopédiques sur la musique des 60's.

Bad Penny Blues, ed. Rivages, 388 pages, 22 euros.