Et Le policier qui rit ? N'est-ce pas une leçon d'entrée en matière ?

J'espère ne pas virer monomaniaque mais dans mon précédent post, j'évoquais ces livres qui vous scotchent dès les premières pages. La puissance des mots alliée à la découverte d'une fiction a un pouvoir que je ne m'explique pas. Et là, Le policier qui rit de Sjöwall et Wahlöo fait figure de totem, de phare... n'importe quoi de grand, qui se voit de loin. Je n'ai pas lu tous les polars de ce couple (juste L'homme au balcon et Meurtre au Savoy) mais celui-ci, je le classe aisément dans mes dix romans favoris : l'enquête est remarquable, le suspense parfaitement tenu. Sjöwall et Wahlöo, on le sait, ne sont pas des fanas de la vitesse et l'intro se déroule en fait sur 26 pages, entre une manif' à Stockholm contre la guerre au Vietnam et le fameux bus mystérieusement mitraillé.

Les auteurs multiplient les points de vue jusqu'à parvenir à Martin Beck, l'enquêteur principal. On a ainsi un cambrioleur qui observe la drôle de conduite du bus, puis des passants, des flics municipaux. " Il se précipita et décrocha avant la seconde sonnerie. - Beck à l'appareil. - Commissaire Beck ? Il n'identifia pas la voix de son interlocuteur. - Lui-même. - Ici le central radio. On a retrouvé plusiers passagers tués par balles dans un autobus de la ligne 47, près du terminus de Norra Stationsgatan. Vous êtes priés de vous rendre immédiatement sur place... "

Sjöwall et Wahlöo ne livrent aucun indice, juste la réalité brute, sauvage de ce massacre sans témoin. L'écriture est fine, empreinte de compassion, dessinant les lieux, les personnages. Avec ce terrible détail : un policier est parmi les victimes. Un monument d'entrée en matière. Outre l'adaptation BD (Rivages/Casterman), je viens d'ailleurs de découvrir qu'Hollywood en avait réalisé un film en 1973, cinq ans seulement après la sortie du livre, The laughing policeman.

Le policier qui rit, ed. Rivages, 327 pages, 9 euros.