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The killer inside me

Littérature noire

Deux dans Berlin : le Reich plie, saigne et s'effondre avec fracas

Deux dans Berlin : le Reich plie, saigne et s'effondre avec fracas

L'assassin et celui qui le chasse... De très bons livres ont disserté sur ce parallèle purement polar, sur la fine frontière qui sépare ces protagonistes, sur le Bien et le Mal que chacun sont censés incarnés, parfois à tort. Avec Deux dans Berlin, Hachmeister et Birkefeld jouent sur du velours : un officier SS missionné pour retrouver le meurtrier d'un riche commerçant, proche du pouvoir, dans un Berlin fin 44- début 45 dévasté par l'aviation british. C'est du velours parce que le lecteur se doute bien que l'officier SS, Kalterer, ne peut incarner le Bien. Heureusement les auteurs sont plus malins que cela et livrent une magistrale leçon d'Histoire...

En fait l'intrigue est simple : Ruprecht Haas, petit épicier berlinois, pète un câble à la Saint Sylvestre 43 en apprenant que son 4e frère est mort au front. Il s'en prend publiquement au Führer... Chose évidemment qui ne se fait pas dans cette joyeuse Allemagne. Ni une ni deux, l'homme se retrouve à Buchenwald. On le retrouve donc au début du livre, à l'automne 44, quand à la faveur d'un bombardement allié, il parvient à fuir, déterminé à se venger de ses balances. En face, Kalterer incarne le bon soldat du Reich : flic, gestapiste, avec une conscience qui le taraude et, caillou dans ses bottes noires bien cirées, une femme qui ne veut plus le voir, lassée par les horreurs du Führer... Il y a un incontournable jeu du chat et de la souris, les auteurs récitant parfaitement leurs classiques en la matière, sans grand génie il faut le reconnaître.

Ce qui scotche le lecteur en revanche, c'est bien la peinture du Berlin de cette époque. Pré-alertes de bombardements, alertes, courses aux tickets de rationnement, immeubles éventrés, gravats à perte de vue, cadavres pourrissants et, toujours, ce pouvoir hitlérien qui chasse les pillards, les traîtres, les fuyards. Dans cette poussière, cette odeur de mort, la population civile, souvent lucide, est la première victime, prise entre deux feux, littéralement humiliée, mise à genoux, effrayée aussi par la progression de l'Armée rouge.

On en vient à se demander si le peuple allemand, premier soutien du Reich, n'a finalement pas mérité cette correction ? Ou, au contraire, comment l'armée alliée peut-elle s'en prendre à des civils, sans distinction ?... Le lecteur est partagé parce que les atrocités des SS ne s'arrêtent pas sous les bombes, l'endoctrinement résiste parfaitement aux bombes au phosphore. Une folie des Hommes qui fait réfléchir.

Deux dans Berlin est donc un bon polar historique, subtil jusqu'à la dernière ligne, qui complète intelligemment la trilogie berlinoise de Philippe Kerr.

Deux dans Berlin, ed. du Masque, 22 euros, 420 pages.
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