Littérature noire
14 Mai 2012
Perro Lascano ne doit plus fumer. La bastos qu'il s'est pris dans les poumons dans une sombre embrouille d'argent à récupérer et de militaires pas vraiment d'accord, lui interdit donc le tabac. Et Perro Lascano n'est même plus flic. Il est d'ailleurs officiellement mort. Tout cela c'était dans L'aiguille dans la botte de foin et au début de sa suite qui vient de paraître, Un voyou argentin. Dans ces années encore troubles de la transition démocratique, au milieu des années 80, l'Argentine demeure chaotique, le pouvoir glisse d'un côté ou de l'autre, la population réclame Justice pour les crimes de la dictature... et la pauvreté ne fait que s'accroître.
Ernesto Mallo réussi le joli pari de tisser une trame somme toute classique dans la littérature américaine : un braqueur, un flic à sa recherche et un magot à retrouver. Tout en y incluant une dose léthale de nostalgie, de politique, de fatalisme, de ce qui fait la noirceur si tragique mais si belle des auteurs sudaméricains. Je pense, par exemple, à l'auteur nicaraguayen Sergio Ramires (Il pleut sur Managua) et évidemment à Ramon Diaz-Eterovic, des auteurs qui ont vécu des sales trucs mais qui n'en font pas des montagnes, qui gardent une certaine pudeur.
Ernesto Mallo ajoute une touche très sensuelle à son roman avec des femmes argentines caractérielles, incandescentes, parfois insaisissables. Du jeune procureur intègre, au vieux militaire pourri en passant par le braqueur trop bon, ils ont tous une femme qui occupe, au minimum, leurs pensées. Ces superbes personnages, saisis dans leur quotidien, se croisent, se heurtent et il y a toujours ces centaines de milliers de dollars qui se baladent.
Ecriture tendre avec les hommes, dur avec le système, Un voyou argentin se lit de bout en bout avec la crainte de voir un de ces beaux protagonistes tomber sous la balle d'un militaire, d'un flic corrompu. La fin est un peu cousu de fil blanc mais ce n'est vraiment qu'un détail.
Un voyou argentin, ed. Rivages, 239 pages, 8 euros.