Littérature noire
6 Juin 2012
Tony a un père gitan qu'il n'a pas connu. Sa mère ? Elle fait des passes, entre deux cachetons, dans leur HLM d'Aubervilliers. S'il bosse au garage de son oncle, Tony, à peine 20 ans, a un exutoire : la boxe. L'anglaise. Pas la thaïlandaise des racailles. Le noble art, celui qui lui donne l'envie de se lever, de transpirer, de souffrir. Celui qui lui offre aussi un semblant de vitrine sociale. Balancé dans les cordes, le deuxième roman de Jérémie Guez, est encore une fois, un condensé de hargne, de critique de la société, de malaise, sans aucune condescendance pour les petits malfrats des banlieues. Après Paris, la nuit, l'auteur confirme son énorme potentiel.
Alors est-ce que Balancé dans les cordes est un livre sur la banlieue parisienne ? Oui. Définitivement. Il dresse une série de portraits, d'environnements, de situations très justes, sans boursouflures. On croise autant les minables vendeurs de drogue que des prolos comme l'oncle de Tony ou son entraîneur. Il n'y a ainsi pas de caricature dans ce roman (ouf on évite le rap, le r'n'b !), la trame est ciselée et Guez ne tombe pas dans le piège du tous pourris ou du " il y a tellement de forces vives dans nos cités ".
Tony veut venger sa mère, salement amochée par un de ses " clients ". Malgré une certaine conscience de son geste, il fait appel à Miguel un caïd de la banlieue nord qui l'a vu boxer. Et lui sera redevable. Pas d'issue alors pour le jeune boxeur, qui rêvait de sortir avec la belle Clara, belle bourgeoise du 7e arrondissement. Mais cette vie n'est pas pour lui : il est condamné à la tragédie. Guez est très grec dans ses romans noirs, il y a un classicisme revisité à la sauce bitume et béton qui donne du nerf, de la vie à ses histoires.
Balancé dans les cordes est une suite parfaite à Paris, la nuit. Guez a un talent, une vision dont on espère profiter encore longtemps.
Balancé dans les cordes, ed. La Tengo, 191 pages, 17 euros.