Littérature noire
27 Octobre 2012
La Grèce. Aujourd'hui. L'auteur Petros Markaris en fait une peinture très réaliste depuis une demi douzaine d'aventures de son inspecteur Charitos. Soyons sincères, on n'atteint pas ici les sommets du roman policier, Markaris manque un peu de nerf dans son écriture. Mais alors quel témoin de la Grèce du 21e siècle ! Dans la première enquête que j'avais lu, Actionnaire principal, il dénonçait une société des médias passablement pourrie, déjà trop libérale à son goût. Avec Liquidations à la grecque, son dernier opus, cet auteur de 85 ans, s'en prend clairement aux banquiers, au FMI qui étranglent son pays.
Et il n'y va pas avec le dos de la cuillère Markaris : la première victime, ancien directeur d'un organisme bancaire, est retrouvé étêté au petit matin dans son jardin. Et pas à l'arrache, pas un truc de toxico. Non, un bon coup de sabre net, précis. Une deuxième victime s'en suit quelque jours plus tard, toujours avec le même opus operandi. Bien sûr, la vie de Charitos meuble aussi l'enquête, le mariage de sa fille, les remarques de sa femme... Mais ce sont les conséquences de la crise grecque qui sont les morceaux de choix de ce roman : suppression du 14e mois, du 13e mois des fonctionnaires, retraite plus tardive, chômage, essence plus chère, commerce en faillite... la détresse du pays nous saute à la tronche. Avec des mots très simples, l'auteur donne à vivre le quotidien de ses compatriotes, appauvris, humiliés, angoissés. Une image terrible, loin des pages saumon du Figaro et des analyses télévisées. L'enquête en devient presque secondaire tant, finalement, les victimes se révèlent antipathiques, cyniques. Presque, parce que l'assassin se verra donner la parole in fine... ne suscitant même pas la colère du lecteur. Markaris est suffisamment subtil sur ce coup-là pour susciter une sorte de compréhension.
Une lecture hautement recommandable en ces temps.
Liquidations à la grecque, édition Seuil, 326 pages, 21, 50 euros.