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The killer inside me

Littérature noire

L'assassin qui est en moi : le génie schizophrène de Jim Thompson (2)

L'assassin qui est en moi Jim Thompson
L'assassin qui est en moi Jim Thompson

" Qu'est-ce que tu vas faire et dire ? Eh bien, camarade, c'est tout simple. C'est aussi facile que de se clouer les testicules à une souche et se laisser choir en arrière. raconte-moi encore des salades, camarade, et mets le paquet, parce que c'est vraiment facile. " Lou Ford est un policier, schizophrène paranoïaque. Sa vie mélange une sexualité tordue, au mensonge, à l'absence d'un père protecteur et d'un faux-frère assassiné, sans oublier une impossibilité maladive à se projeter ailleurs que dans son village moisi de Central City, Texas... Avec L'assassin qui est moi (1952), deuxième traduction intégrale sortie par les éditions Rivages ces dernières semaines, Jim Thompson se révèle en génie.

Là encore, l'auteur montre une psychologie d'une finesse incroyable, très au courant des faiblesses humaines, des petites compromissions du quotidien. Cela concerne ici, notamment, ses seconds rôles. La pauvre Amy qui ne peut se dépêtre de l'emprise amoureuse et dingue de Lou, institutrice vielle fille, qui subit un amant violent, pique ses crises et revient se jeter dans ses bras. Et puis, il y a Bob Maples, le supérieur de Lou, potentiel père de remplacement, se refusant de voir son subalterne tel qu'il est, préférant mourir, à petit feu, plutôt que de reconnaître son aveuglement. Thompson fait encore une critique, en transparence, de la société texane des campagnes.

D'un autre côté, Lou Ford, pas encore 30 ans, incarne l'ordure absolue. Brave gars, poli, serviable, sa carapace sociale cache un psychopathe tordu. On n'en saura pas plus sur le traumatisme infantile qu'il a connu avec la bonne de son père. En tout cas, depuis, il pète un câble fréquemment et violemment. Donnant la mort aux femmes, comme à ceux qui lui font confiance. Les auteurs de serial killer peuvent aller se rhabiller, ce Lou Ford est le truc le plus malsain qui ait été créé. Je repense au personnage de Paul Cleave dans Employé Modèle (Sonatine), aux critiques qui parlaient d'un personnage malfaisant sous des airs normaux... Cleave a tout piqué à Thompson. Sauf le voyeurisme. Car Thompson n'en rajoute pas, sa violence est en ellipse souvent, se cache dans le sourire de Lou Ford.
L'assassin qui est en moi est une oeuvre majeure, un sommet du noir. Et il est hallucinant de découvrir que, jusque là, sa traduction était amputée de 24 % ! Certains chapitres avaient été carrément supprimés de peur de plonger trop profondément dans l'âme de Lou Ford ! Le 17 lorsqu'un type étrange débarque chez Lou pour, semble-t-il, le piéger et le 25, avant-dernier, quand notre tueur divague chez lui. N'importe quoi...
Il faudra maintenant attendre un an avant de voir les deux prochaines traductions intégrales : A hell of a woman (Des cliques et des cloaques, traduit par Pierre Bondil) et Nothing more than murder (Cent mètrse de silence, traduit par Johanne Le Ray). Pour combler le manque, on va s'attacher d'ici là à parcourir son oeuvre, en commençant par Le criminel, traduit comme L'assassin..., par Jean-Paul Gratias. A lire : la bonne critique du copain Yan.

L'assassin qui est en moi, édition Rivages, 272 pages, 8, 65 euros.
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