Littérature noire
3 Février 2013
Si je n'avais pas été vraiment convaincu par Le silence de minuit, le précédent opus de l'Ecossaise Denise Mina, avec La fin de la saison des guêpes, elle trouve le ton juste, les bons ressorts et d'excellents personnages qui illustrent merveilleusement le fossé social à l'heure de l'Ecosse spéculatrice. Et puis, et puis... il y a Alex Morrow, cette inspectrice sérieuse, un brin à cheval sur les principes, droite. Le genre de fliquette qui rassure tant elle met du coeur à l'ouvrage. C'est que là, elle se trouve face au cadavre d'une jeune femme, dont le visage a été littéralement broyé à coups de talons. Le petit piment de l'histoire, c'est que ce sont les enfants d'une vieille amie qui sont soupçonnés...
Denise Mina redistribue un peu les cartes du polar classique puisque l'on sait d'emblée qui a tué la jeune femme, Sarah Erroll. De même dans son précédent roman, on savait qui était à l'origine du kidnapping. Ce n'est donc pas tant le qui ?, mais bien le pourquoi ?, qui aiguillonne et l'enquête et le lecteur. Parce qu'ici, vraiment, deux ados échappés d'un internat de bourgeois, venus latter une femme, certes pas sans histoire, mais qui ne semblent avoir aucun rapport avec eux, cela suscite notre curiosité.
Alex Morrow, enceinte de cinq mois, va défaire la pelote de la vie de cette Sarah. C'est toute la difficulté d'être une femme seule, dans ce monde, qui lui apparaît alors. Une femme avec peu de moyens... sinon celui de son corps. Il en est de même pour son amie, Kay (personnage particulièrement bien dessiné), seule, avec quatre gamins à nourrir. L'auteur démontre alors les limites, vite atteints des principes de solidarité dans ce pays. Entre une femme obligée de joue rles escort girl pour subvenir aux besoins de santé de sa mère et une autre, prolo condamnée à faire la boniche, chez les richards du quartier... pauvre Ecosse.
A côté de cela, il y a le suicide de Lars Anderson. Un financier de la pire espèce comme il en poussé un peu partout en Europe ces dix dernières années. Une caricature qui n'a vécu que dans le fric avec sa femme sous tranquillisants et deux enfants qu'il a à peine connus. Un tableau caricatural mais sans doute pas si éloigne que cela d'une certaine vérité. On sent bien vite vers quel monde le coeur de Denise Mina balance. Et entre les deux, il y a donc son enquêtrice, qui porte à merveille le costume du chevalier blanc. Pour une fois qu'un représentant de l'ordre ne sombre pas dans l'alcoolisme, la dépression, on en profite !
Elégant et social, dans une facture pas vraiment habituelle pour de la littérature noire, avec une fin que l'on accepte bien volontiers, La fin de la saison des guêpes est une belle surprise et ce n'est donc pas un hasard s'il obtenu le prix du meilleur roman policier en 2012 au festival de Harrogate et si le New-York Times l'a classé parmi les 10 meilleurs polars de 2012 (ce qui est peut-être un tantinet exagéré).
Par contre, si les éditions du Masque pouvaient payer un peu mieux leurs correcteurs ( " mal à l'aide "... " ses gobes oculaires ").
La fin de la saison des guêpes, édition du Masque, 488 pages, 22 euros.