Littérature noire
22 Mars 2013
La classe ouvrière a-t-elle disparu ? Plutôt, non ? Dans le cas contraire, on ne parlerait pas autant ces jours-ci de ces usines qui ferment, qui licencient à tour de bras, GoodYear, Arcelor, Fralib, PSA... Les éditions Liana Levi ont donc eu la bonne idée de publier un ancien roman d'Antonio Pennacchi, Mammouth. Le récit d'une année de lutte sociale plus ou moins, dans une usine au sud de Rome qui, de jour comme de nuit, fabrique des câbles. La bien nommée Supercavi. Certes, le texte est un peu daté, cela remonte aux années 80, mais Pennacchi, ouvrier lui-même, sait faire transpirer toutes les valeurs, les contradictions, les joies de la lutte des classes.
Car il faut s'accrocher, se battre pour gagner une augmentation de salaires, de meilleures conditions de travail ou, tout simplement, le droit de continuer à travailler. Benassa est le leader du comité syndical, un guerrier de la négociation, du genre qui rend fou le DRH et le patron. Un homme suivi les yeux fermés par toute l'entreprise lorsqu'il s'agit de bloquer la route, de marcher sur le centre-ville pour aller dire deux mots aux journalistes ou quand il faut occuper une centrale nucélaire. Mais Benassa exprime les doutes aussi de la classe ouvrière, les doutes face aux syndicalistes qui se laissent acheter à coup de promotions, les doutes face à une Révolution qui ne se fait plus...
Mammouth, ce sont finalement ces hommes en bleu de travail, qui disparaîtront un jour prochain. " Nous sommes une classe éteinte. Nous nous sommes éteints depuis un bon bout de temps... Comme le bison d'Europe. Comme les mammouths... Les mammouths n'existent plus... Et nous ? Nous nous sommes éteints. Culturellement. Politiquement. Numériquement parlant. " Le texte est sombre, réaliste mais prend aux tripes dans un style très direct, libéré de tout romantisme.
Mammouth, édition Liana Levi, 195 pages, 18 euros.