Littérature noire
9 Mars 2013
C'est un récit étonnant que confesse Sam Millar dans On the Brinks. Le récit d'une vie, tumultueuse, violente, en marge. Du quartier de Lancaster Street à Belfast, jusqu'à la prison de Monroe, USA. On the Brinks est le journal de deux pans de la vie de Millar : son passage à la tristement célèbre taule de Long Kesh, Irlande du Nord puis son casse du dépôt de la Brinks à Rochester. Millar raconte sa vérité, sa vision de ces moments de sa vie, sans forfanterie mais avec un brin d'humour et une bonne de psychothérapie. Notamment dans la première partie, la plus intéressante, la plus historique, l'autre relevant du polar.
La moitié initiale du livre s'intéresse donc à son séjour à Long Kesh où furent internés les prisonniers de l'IRA par la perfide Albion et la non moins dégueulasse Margaret Thatcher. Sam Millar n'explique pas pourquoi il se retrouve ici mais on sait qu'il purge une peine de huit années. Et huit années dans cette prison équivalent, presque, à 20 ans aux Baumettes : passages à tabac, fouilles dénudées, rations alimentaires avariées, absence de chauffage l'hiver, insultes... Pour ceux qui ont vu Hunger, le sublime film de Steve MacQueen, Millar faisait partie de ces rebelles irlandais, en 1980/1981, qui ont refusé d'être considérés comme des prisonniers de droit commun et n'ont pas porté l'uniforme traditionnel des détenus, c'était la révolte des blanket men, ces hommes se promenant nus sous leurs couvertures. On partage les discussions entre prisonniers, les cigarettes divisées en dix, les insultes aux matons, les espoirs vite douchés. Mais le plus poignant restent les pages sur la grève de la faim : " pourquoi n'êtes-vous pas en train de souffrir avec les autres ? Et plus vous lui hurler de vous laisser seul, plus il vous tourmente, jusqu'à ce que finalement vous lui avouiez votre lâcheté, que vous ne tiendrez pas quelques jours sans nourriture, sans parler de semaines, que vous avez lu des livres sur les souffrances que le corps et l'esprit doivent endurer quand la peau rétrécit jusqu'à épouser parfaitement le squelette et ses os aussi cassants que de la craie... "
L'autre partie du livre concerne donc sa vie à New York. D'abord comme croupier d'un casino illégal puis comme chef de caisse. Enfin, comme braqueur d'un dépôt de cash de la société de fonds Brinks. Un fait divers rocambolesque où Millar ne remarque même pas la dizaine d'agents du FBI qui le surveillent, le suivent pendant un bon mois avant de le coffrer. Mais, sans révéler le sel de cette histoire savoureuse (vraiment à la Dortmunder), on peut noter qu'une partie de l'argent (5 millions sur 7 !) ne sera jamais retrouvée.
On the Brinks souffre parfois d'un rythme vraiment haché, fait de petits paragraphes, rapides, serrés, construits parfois sur une seule idée. La lecture est facile mais Millar aurait gagné à nous en dire plus sur ses tourments, sur ce qu'un homme sent au fond de lui quand il est face à une peine de 60 ans de prison. C'est pour cela que l'on avait aimé Redemption Factory, précédent opus de l'auteur : pour la psychologie de son jeune personnage, de ses relations avec le patron... Dans la deuxième partie d'On the Brinks, Sam Millar se détache parfois, comme s'il avait peur de trop en dire... Mais la morale de l'histoire, c'est bien qu'une vie de marginale se paye, cher. Aujourd'hui, l'auteur a pu heureusement rebondir dans la littérature mais pour un Millar reconverti, combien de soldats de l'IRA laissés au bord du chemin ?
On the Brinks, édition Seuil, 358 pages, 21, 50 euros.
C'est un récit étonnant que confesse Sam Millar dans On the Brinks. Le récit d'une vie, tumultueuse, violente, en marge. Du quartier de Lancaster Street à Belfast, jusqu'à la prison de Monroe, USA. On the Brinks est le journal de deux pans de la vie de Millar : son passage à la tristement célèbre taule de Long Kesh, Irlande du Nord puis son casse du dépôt de la Brinks à Rochester. Millar raconte sa vérité, sa vision de ces moments de sa vie, sans forfanterie mais avec un brin d'humour et une bonne de psychothérapie. Notamment dans la première partie, la plus intéressante, la plus historique, l'autre relevant du polar.