Littérature noire
7 Avril 2013
Il a passé dix ans de sa vie dans la funeste prison de Long Kesh. Dix ans pour son activisme au sein de l’IRA. Au sein de cette geôle, il participe comme Bobby Sands à la fameuse Blanket protest, nu, battu, humilié par les surveillants. A sa sortie, il s’envole pour New-York, où il bosse comme croupier de casinos clandestins avant de finir, encore, en taule, pour le casse de la Brinks. Un butin de 7, 2 millions de dollars (le 5e plus gros de l’histoire du pays) dont on ne retrouvera rien. Cette histoire, racontée dans On The Brinks (droits acquis par la Warner), est celle de Sam Millar. Romancier rebelle, croisé aux Quais du Polar de Lyon, à la fin mars.
Tout d’abord, pourquoi sortir cette autobiographie après vos deux précédents polars ?
C’est juste une question d’éditeur. Fayard avait les droits pour les deux premiers, pas pour On the Brinks car mon éditeur irlandais était ami avec le Seuil. Ces derniers ont finalement tout raflé. On the Brinks est sorti il y a dix ans en Irlande où il avait choqué les Britanniques, bien sûr à propos de ce que je dis sur Long Kesh. Mon histoire à New-York, il la connaissait via la diaspora irlandaise.
Comment passe-t-on de la lutte pour l’indépendance à un casse de transports de fonds ?
Je voulais vivre mon rêve américain... Tom O’Connell dont je parle dans le livre, s’occupait des compatriotes irlandais, surtout ceux qui avaient participé à la lutte. Il travaillait à la Brinks et m’avait invité à une première fête, pour l’Independence Day, où je m’étais rendu compte que la surveillance était ridicule. Puis j’y suis retournée, pour une autre fête, Halloween. J’ai eu cette même sensation de facilité. Je lui ai dit à Tom, un peu sur le ton de la plaisanterie, il ne savait pas si c’était du lard ou du cochon parce que je venais de Belfast, où les gens sont réputés très droits. Dans ma tête, je faisais le casse, j’en donnais une partie à Tom, qui était mon ami, pour le mettre à l’abri et voilà... Nous ne nous sommes plus jamais parlés.
Comment expliquez-vous que l’on n’ait rien retrouvé de l’argent volé ?
Il y avait deux équipes du FBI sur moi. Une qui me surveillait par rapport aux casinos clandestins mais qui s’en fichait un peu. Une autre, après le casse, qui épiait mes moindres mouvements. Parce que justement un ancien du FBI, un Irlandais qui, lui, détestait ces compatriotes, était persuadé que j’avais fait le coup. Je ne sais pas ce qui s’est passé avec l’argent. Mais je peux vous dire que lors de mon interpellation, j’avais une ceinture de 300 000 dollars sur moi ! Cet argent non plus n’a jamais été retrouvé, ni consigné dans un procès-verbal...
Pourquoi le président Clinton vous a-t-il gracié ?
C’était au moment des négociations de l’accord de paix du Vendredi Saint, entre catholiques et protestants. On est en 1995 et l’administration Clinton pensait que je serais plus utile chez moi, avec les Républicains. Il voulait faire un bon geste. J’ai donc fini ma peine de cinq ans là-bas.
Toujours en colère après Gerry Adams, Martin McGuinness du Sinn Fein ?
Ce sont des égoïstes, ils n’ont pensé qu’à eux. Et Gerry Adams n’a pas été prisonnier à Long Kesh : il a été interné, nuance !
Dans ces conditions, comment êtes-vous devenu écrivain ?
Je viens d’un milieu très populaire, je ne suis pas allé à l’université. Mon père par contre était un lecteur, de romans de cow-boys, de romans historiques. Moi ? C’était les comics américains. Et surtout Stan Lee ! J’ai appris avec lui, c’était mon professeur. C’est à Long Kesh, dans ma cellule, qu’en blaguant on se disait, « ce serait formidable à raconter » c’est là que j’ai, pour la première fois, pensé à écrire... Après toutes ces années, Dieu fait jaillir sa lumière sur moi.