Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Didier Daeninckx : " j'ai lu trois fois Le Comte de Monte Cristo... c'est d'une violence ! "

Didier Daeninckx : " j'ai lu trois fois Le Comte de Monte Cristo... c'est d'une violence ! "

De passage à Bastia, pour la promo de son dernier roman, Têtes de Maures (L'Archipel), Didier Daeninckx a pris le temps d'évoquer mille et un sujets. Et d'abord, ses techniques de travail, lui qui manie vraiment bien, à la fois les ressorts du roman policier et du roman historique. L'auteur de Le bourreau et son double, de Nazis dans le métro, Galadio est aussi connu pour ses engagements politiques, très marqués à gauche, pour ses coups de gueule. Bref, il y avait de quoi discuter. Le paradoxe est qu'il y avait si peu de monde à cette dédicace que les rares lecteurs lui ont bien tenu la jambe une demi heure chacun...

" Je travaille sur des idées, des détails de lecture parfois. Pour Têtes de Maures, j'étais en vacances en Corse, comme c'est le cas depuis des années, et je suis tombé sur un livre qui parlait de l'encerclement de la ville d'Ajaccio, en 1931, par une expédition militaire envoyée par Laval ! Cela a fait tilt dans ma tête parce que Laval est l'ancien maire de ma ville, Aubervilliers. Je suis donc revenu en Corse, cette fois sur les hauteurs de Porticcio, près d'Ajaccio. Quand ma famille allait à la plage, moi j'allais aux Archives pour lire tout ce qu'il y avait à savoir sur cet événement... Ce qui est pratique aujourd'hui, c'est qu'avec les appareils photos numériques, on photographie les documents au lieu de tout prendre en notes. Après, j'écris toute la journée si je peux mais c'est vrai, beaucoup le matin, à partir de 5 heures. Pour Têtes de Maures, il me fallait un élément qui me raccroche à 2012. Une fois que je l'ai trouvé, la structure est venue vite, dès la première scène du type qui est au fond d'un coffre de voiture, là, je me suis dit que je tenais le point de vue de mon histoire. Sinon, c'est vrai que la structure est ce qu'il y a de plus difficile à trouver. "

L'occasion toute trouvée d'évoquer les cours universitaires, dès la rentrée prochaine, sur les techniques d'écriture littéraire. Cours qui ont déclenché une polémique un brin stérile avec les partisans de la muse, de la grâce qui descend du ciel ! " Je ne crois pas à la muse qui vous inspire, vous donne le génie comme je ne crois pas qu'écrire, cela s'apprenne sur les bancs d'une fac ! Ce qu'il faut, c'est se coltiner la réalité. Etre écrivain, ça s'apprend dans la vie. Moi j'ai quitté l'école à la seconde, j'ai bossé, j'ai visité le monde... " Et puis il a eu l'occasion de vivre à une époque bénie pour l'éducation des masses, les années 60, 70, " quand les syndicats ne vous offraient pas des réductions pour aller à Disneyland mais nous amenaient voir des pièces de théâtre au TNP. J'étais ouvrier imprimeur et on avait des débats avec des écrivains au sein de l'usine ! Sur l'île Seguin, chez Renault, il y avait des camions bibliothèques. C'était un autre monde et cette formation m'a sauvé. J'ai découvert l'immense Jack London. Et puis Alexandre Dumas ! J'ai lu trois fois le Comte de Monte Cristo qui doit quand même faire 1 500 pages. Mais c'est d'une violence incroyable, c'est un bouquin de vampires. Et puis aussi la poésie avec Francis Ponge, Desnos... il y a quelques jours pour mon anniversaire on m'a offert la biographie d'Aragon par Pierre Juquin. J'attends d'avoir quelques jours tranquilles pour me la lire. "

Transition pile poil pour parler de cette étiquette très à gauche du roman noir français. " Cela a été une grosse tendance juste après 68, notamment avec Vautrin ou Manchette. Il y a eu d'un coup un regard critique sur la société. Car avant, c'était un genre conservateur. Ensuite, il y a eu une autre génération, moi-même avec des gens comme Jonquet mais aussi Pennac qui avait ce regard très humaniste. Mais il y a du changement, ce n'est plus autant à gauche, quand je lis des Dantec, Marignac. Et même un auteur comme Jérôme Leroy (Le Bloc) quand je vois qu'il écrit pour un site comme Causeurs ou Valeurs Actuelles... mais en ce qui me concerne, je refuse d'être mis dans une case. J'ai fait un parrainage républicain la semaine dernière pour une petite Chinoise, afin qu'on ne la renvoie pas chez elle. C'est une action politique, où l'on rencontre les gens pour lesquels on se bat ! "

Courtois, bavard, cultivé, Didier Daeninckx poursuit sa carrière éclectique avec, bientôt, une biographie d'un peintre expressioniste allemand et une bande dessinée. En attendant, on peut toujours, d'après l'asso Fondu au Noir, lire ou relire, Missak et d'après Eric Maneval, La route du Rom, dans la collection Poulpe. Ceux qui aiment l'histoire se régaleront avec Galadio, sur les années 30 en Rhénanie, vues par un métis.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article