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The killer inside me

Littérature noire

Le deuxième voeu où le détective Heredia se bat pour sa mémoire et celle de son pays

Encore un très beau roman noir de Ramon Diaz-Eterovic qui poursuit, avec Le deuxième voeu, sa série du détective privé Heredia. Signalons au passage que ce sixième opus a, en fait, été écrit en 2006, avant L'obscure mémoire des armes pourtant sorti en France en 2011. Comprenne qui pourra. Dans cette nouvelle aventure, comme c'est souvent le cas chez les héros récurrents, Heredia se retourne sur son passé, sur son enfance. Il est face à deux enquêtes très proches : il doit retrouver le père d'un client. Et il doit accomplir le voeu d'outre-tombe de sa mère : retrouver son père. Mais comme d'habitude avec Diaz-Eterovic, l'histoire ne se focalise pas sur le personnage principal, c'est vraiment le Chili qui est au coeur du livre. Poignant.

Une fois de plus, c'est un Chili brisé que nous donne à voir l'auteur. Certes il parle de Santiago, de ses buildings, de sa vie moderne où, comme ailleurs, le fric côtoie la plus grande misère. Des quartiers qui changent, évoluent. Il y a de la nostalgie chez Diaz-Eterovic mais elle n'est pas mortifère. Car il y aussi de la joie, de l'humour. Et au-delà, de Santiago, Heredia s'aventure au sud du pays pour retrouver son géniteur. Inutile de dire que l'enquête est à rebondissements. Peut-il en être autrement quand il s'agit de retrouver un homme que l'on n'a jamais connu, dont on n'a jamais eu de nouvelles ? Pire : qui ne savait même pas qu'il avait un fils... Heredia retisse le fil de l'histoire de cet homme, boxeur amateur, travailleur agricole, désormais victime d'Alzheimer. Difficile de ne pas voir là une parabole sur le Chili actuel.

En parallèle, ce détective privé à l'ancienne, fumeur, buveur de vin, un peu dragueur, recherche le père d'un exilé. En filigrane, se détache la déchirure de la dictature Pinochet. Heredia se retrouve alors face à un sombre trafic de maisons de retraite, un truc bien immonde, synonyme là aussi d'une société en déliquescence.

D'un classicisme revendiqué, l'oeuvre de Ramon Diaz-Eterovic donne à voir un pays d'Amérique latine au quotidien. Sans pathos inutile, avec une galerie de portraits irrésistibles. Bien sûr, on peut reprocher à l'auteur son côté trop tranquille, presque pépère. Ce serait injuste car les Heredia raconte un quotidien qui n'est pas celui de la violence à tout crin mais plutôt de la violence institutionnelle, la violence des classes. Et puis il y a une réelle poésie dans cette série, une belle âme. Le deuxième voeu, pour se guérir définitivement de la mode scandinave.

Le deuxième voeu, éditions Métailié, 251 pages, 18 euros.
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