Littérature noire
29 Mai 2013
A 38 ans, Marin Ledun présente déjà un beau parcours dans les étages du roman noir. Polar social (Les visages écrasés), fable people (No more Natalie) ou thriller (Dans le ventre des mères, La guerre des vanités), il se frotte à toutes sortes de réalité, avec une vraie conscience sociale. On sent que l'homme a des choses à dire, à écrire. Entretien réalisé lors des Quais du Polar, à Lyon, où il s'est montré d'une rare disponibilité et plutôt bon compagnon une fois les lumières du salon éteintes...
Dans le ventre des mères mêle nanotechnologie et complot d’Etat. Comment êtes-vous venu à ces thèmes ?
Ce personnage de Laure Dahan était déjà dans l’un de mes premiers romans, Marketing viral. Mais je n’avais pas fini elle. Je voulais raconter autre chose. Ce sujet des technologies je le connais plutôt bien car sur Grenoble où j’étais, il y a un gros pôle scientifique et j’ai croisé un groupe d’activistes qui s’appelle Pièce et Main d’Œuvre, très partial, très critique, qui a fait des manifs et ça m’intéressait. Je me suis rendu compte que ces technologies étaient devenues un atout marketing, commercial. Et des applications pour les nanotechnologies, on en trouve désormais de partout : dans les déodorants, dans les pantalons. Si je me souviens bien, plus de 1 000 produits du quotidien contiennent des nano et biotechnologies.
Vous sentez-vous une responsabilité citoyenne pour dénoncer des dérives ?
Je n’ai pas de messages à faire passer mais je pose des questions et je donne des arguments. Mes personnages parlent malgré moi. Dans le ventre... est moins un techno thriller qu’un eco-thriller. Mais attention les chiffres que je balance sur l’argent public dans la recherche sont vrais, il s’agit de milliards d’euros ! Je vous prends l’exemple, lorsque je travaillais pour France Telecom, face au manque de moyens des établissements de santé dans le traitement d’Alzheimer, un service travaillait sur l’implantation de puces sous le poignet des malades pour pouvoir les géolocaliser s’ils se perdaient. C’était en 2004. Il y a une marchandisation de la vie.
A propos de France Telecom, surpris par le succès des Visages Ecrasés ?
L’accueil m’a fait plaisir. Je portais ce roman en moi depuis longtemps. Je voulais écrire sur la souffrance au travail, je me suis donc investi sur le fond et la forme. C’est aussi le livre qui m’a fait franchir un cap dans mon écriture. Et il y a maintenant un projet d’adaptation. D’ailleurs Dans le ventre...intéresse aussi le cinéma.
Comment est venu ce sujet de la mort de Natalie Wood dans No More Natalie ?
Un total hasard. C’est Marc Villar, que j'apprécie beaucoup comme auteur, le directeur de collection qui me l’a proposé et je savais que Marcus Malte, un auteur que j’aime beaucoup, s’y était essayé avec succès. L’expérience de la nouvelle m’intéressait parce que moi j’écris dans les 600 ou 700 000 signes et puis là c’était 80 000 ! Il fallait être concis, aller à l’essentiel. Le mystère du décès de Natalie Wood, lui, faisait partie de ces papiers que je garde dans mes cartons, sans doute parce que je m’intéresse aux violences faites aux femmes.
Vous avez aussi publié un essai sur la consommation cette année. Vous êtes très prolifique...
Je ne suis pas un auteur de best sellers donc il faut que je vende des livres pour arriver à en vivre ! Mais cet essai était en écriture depuis cinq ans et Dans le ventre des mères, qui est ma meilleure vente à ce jour, a été fini il y a deux ans. Le temps de l'écriture n'est pas le même que celui de l'édition : je travaille normalement en fait. Le prochain est prévu en 2014, toujours chez Ombres Noires, où je me sens assez bien.