Littérature noire
26 Mai 2013
Publié un an après Le criminel et Nuit de fureur (donc en 1954 si vous avez bien suivi), Un chouette petit lot, de Jim Thompson, continue dans la veine du type perturbé, passablement psychotique, dans une ville de province. L'auteur aime visiblement ces ambiances d'entre-deux, pas vraiment la campagne, pas non plus la grande ville, mais cette province US, ces bleds où tout le monde se connaît, s'épie. Et justement, Dusty Rhodes, le personnage principal, est issu d'une famille connue. Son père était un célèbre professeur, tombé en disgrâce et licencié le jour où sa signature est apparue sur une pétition pour " des cocos " ! Dans les années 50, ça ne rigolait pas avec les rouges. Thompson en profite, vite fait, pour railler ce maccarthysme aveugle. Dusty, lui, est employé d'un grand hôtel. Des rêves d'études de médecine plein la tête...
Et là, commence l'embrouille. Arrive la femme fatale dans toute sa définition. Une cliente explosive qui lui rappelle sa mère mais aussi tous les désirs qu'il enfouit sous son uniforme d'employé. Parce que le Dusty vis à vis de sa mère - adoptive faut-il préciser - il n'est pas très clair... Bref, face à cette Marcia, Dusty va tomber dans un piège gros comme ça, demander l'aide d'un petit mafieux du coin, se retrouver coincé et jouer les braqueurs.
Un chouette petit lot démarre en fait assez mollement, on s'ennuie presque, à l'image de la vie terne de ce coin... du Texas semble-t-il. Le lecteur se suprend même à penser que Thompson a, là, un petit coup de mou. Et puis vient la scène dans la chambre de Marcia et tout s'enchaîne, comme une mécanique terrible pour Dusty. Et on retrouve le Thompson diabolique du Criminel, pas avare en sales coups, en vilains personnages, en dégueulasseries. Encore une fois, l'auteur peint une société médiocre, de gens bornés, coincés. Le Dusty beau gosse, beau parleur, se révèle au fil des pages : pas un voyou mais franchement barré, filou, menteur. Thompson nous dit une nouvelle fois qu'il faut se méfier des apparences de la bonne société, il nous répète aussi à quel point l'enfance influe sur les comportements de l'adulte (psychologie de comptoir mais sans doute qu'à l'époque, cela importait). Dans l'écriture, on sent aussi à quel point cet auteur génial devait être un scénariste recherché, sens des dialogues, alternance des rythmes, détails... Un chouette petit lot est ainsi très cinématographique, dans une veine noire classique et forte.
L'édition actuelle se trouve chez Folio Policier et peut-être devenons-nous parano avec ces histoires de traduction (ici, Nelly Shklar) mais il reste un doute quand des policiers disent qu'ils veulent " poisser " Dusty...
Un chouette petit lot, édition Folio Policier, 254 pages, 6 euros.