Littérature noire
4 Juillet 2013
La chance du lecteur de l'oeuvre de Jim Thompson, c'est d'avoir à sa disposition Vaurien, une autobiographie qui regroupe en fait deux livres Bad Boy et Roughneck, publiés aux Etats-Unis en 1953 et 1954, sa période la plus créatrice. Une autobiographie qui démarre à l'enfance et se termine quand Big Jim passe, symboliquement, à l'âge adulte, à l'orée de ses succès littéraires. 343 pages de voyages à travers l'Oklahoma, le Texas, la Californie... 343 pages de galères, de bitures, de boulots plus ou moins bien payés. Bref, c'est un vrai film et cela forge tout l'univers de l'auteur, toute sa future création.
Les souvenirs premiers remontent à l'école élémentaire (autour de 1915). Enfant mal dégrossi, pas vraiment aimé de ses camarades... la faute aux éternels déménagements. Car Pop, le père, est toujours en mouvement, changeant de métiers très régulièrement, une fois shériff, une fois juriste, homme d'affaires, entrepreneur du pétrole. Un film lui aussi. Et son ombre va tout au long de Vaurien planer sur le fils, Jim.
Les mauvais choix professionnels de Pop, qui plongeront la famille dans une lente précarité, seront aussi ceux de Jim quand il veut commencer à gagner sa vie. Si ce dernier commence à trimer dès 15 ans, que ce soit dans des hôtels, dans des petits journaux, sur des champs pétrolifères lui aussi, il y aura forcément un grain de sable, une amitié un peu racaille qui fera échouer ses plans. Mais l'affection du fils pour son père ne sera jamais démentie.
Mais tout n'est pas qu'affaire de paternité ici. Jim Thompson confie aussi son très précoce penchant pour le whisky, même en pleine période de Prohibition. Des cuites mémorables, des cauchemars, des soirées dantesques comme celle-ci au fin fond d'une réserve indienne, qui se termine dans un fossé, l'auteur coincé dans la voiture, par une squaw énorme qui, malgtré l'accident, continue de ronfler... Car il y de grandes lampées d'humour aussi dans Vaurien, on ne s'y ennuie jamais mais on rit aussi énormément, des situations. Et de l'esprit de Thompson : " c'était une grosse femme, bouffie, plus tout à fait de première fraîcheur. Je ne me prononcerai pas sur les dates, mais je peux certifier sans guère de risque, quel que soit l'âge du plus vieux métier du monde, qu'elle avait dû faire partie des membres fondateurs. "
Bref, l'autobiographie de Jim Thompson ressemble à ses livres, un sens de l'observation exacerbé, une critique sans clichés des patrons, une belle analyse des liens familiaux, et un panorama unique de la société rurale américaine. Indispensable.
Vaurien, édition Rivages, 343 pages, 9 euros.