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The killer inside me

Littérature noire

La première pierre ou une certaine fin de la ruralité française

La première pierre ou une certaine fin de la ruralité française

Sans être un lecteur acharné des news littéraires, on se souvient qu'il y a, trois ou quatre ans environ, l'écrivain Pierre Jourde avait été pris à partie dans son village. Dans la zone floue de notre mémoire, on se rappelle qu'il lui était reproché d'avoir donné, dans son dernier roman, une mauvaise image du village, d'avoir sali des réputations... Pierre Jourde on le retrouve donc en cette rentrée littéraire et son village avec, dans La première pierre, lauréat du prix Jean Giono la semaine dernière. Un texte intense, puissant, pétri de sang et de bouse de vache. Attention, il ne s'agit pas d'un roman mais d'un retour sur action, une sorte de ralenti avec commentaires. Où l'auteur redit son amour pour ses racines, aussi laides paraissent-elles.

La première pierre est scindée en trois parties nettes. Dans un premier temps, Jourde raconte son fameux retour, après la sortie du décrié (dans le village essentiellement) Un pays perdu. Scène de western rural, avec deux mégères qui l'agressent verbalement, un septuagénaire qui cherche à l'écraser avant de vouloir le bastonner et puis des pierres, lorsque toute la famille (sa femme et ses trois enfants) s'enfuient en voiture non sans avoir essuyer quelques insultes racistes... Pour être juste, il faut signaler que Jourde, costaud, a distribué avec parcimonie quelques bonnes pognes pour se défaire de cet étau haineux. Mais bon, l'affaire se termine devant les tribunaux et les principaux agresseurs sont condamnés à quelques mois avec sursis, des petites amendes. La fracture est consommée.

Pierre Jourde raconte l'incompréhension, le malentendu, confesse quelques maladresses. Mais aussi l'amour de ce village du Cantal, un amour total, autant pour la beauté sauvage du lieu que pour ses âmes rustres, alcooliques, violentes, adultérines. Jourde s'interroge aussi sur le rôle de l'acte d'écrire, utilisant un " tu " qui raccourcit la distance : " tu as commencé à comprendre à quoi servait la littérature : à tenter d'opposer, à toutes ces fictions rudimentaires, la complexité du réel. " Puis, l'auteur narre son deuxième retour, pour la " montade " des vaches, les regards qui se détournent, les paysans qui meurent...

Livre riche, livre questionnant, La première pierre touche le coeur du lecteur face à cet auteur blessé d'avoir été incompris, blessé d'avoir été ainsi malmené par des gens qu'il a accueilli, avec lesquels il a passé des heures à jouer à la belote, à vider des bouteilles de vin. Loin des images d'Epinal, un grand livre (par un sacré auteur) sur, malgré tout, une certaine fin de la ruralité.

La première pierre, Pierre Jourde, édition Gallimard, 18 euros, 190 pages.
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