Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Sommet de douleur et d'humanité avec Woodrell dans Un feu d'origine inconnue

Sommet de douleur et d'humanité avec Woodrell dans Un feu d'origine inconnue

L'an dernier, Daniel Woodrell avait livré une série de nouvelles géniales et dures sous le titre Manuel du hors-la-loi. On en avait écrit tout le bien nécessaire ici. L'auteur des Ozarks mountains revient en ce début 2014 avec Un feu d'origine inconnue (Maid's version) aux éditions Autrement. Et bing ! Il s'agit d'un roman exceptionnel, d'une force inouïe, où Woodrell mêle un fait divers qui lui est cher à sa prose noire, à son incroyable sens de l'humanité. Cet ancien Marine a une capacité peu fréquente à se faufiler dans les psychologies de plusieurs personnages, à aiguiser leurs personnalités, à rentrer dans des détails hallucinants qui donnent toujours plus de chair. En 1929, le dancing de West Table, dans le Missouri, prend feu et explose. Une quarantaine de morts, autant de blessés. Et un traumatisme terrible pour cette petite communauté rurale. Daniel Woodrell irrigue sa plume à la compassion et la colère.

Compassion car il a un regard juste, tendre, sincère sur le petit peuple de West Table. Dans cette cité des années 20, on est d'un côté ou de l'autre de la barrière. Il y a les riches propriétaires, banquiers et leurs grandes demeures, leurs voitures, leurs habits clinquants. Et puis le quart monde, la majorité des habitants : les femmes font le ménage chez les bourgeois du crû, les hommes se débrouillent et souvent têtent le goulot. Woodrell ne les juge jamais et même les clochards ont droit à sa compassion. Il fait défiler une galerie de personnages d'une humanité profonde, que ce soit la jeune pianiste, le sheriff, l'ancien voyou devenu garagiste... Sans oublier la famille d'Aleck, ce jeune garçon qui conduit le récit à travers les souvenirs de sa grand-mère, Alma.

C'est elle qui incarne la colère. L'ire d'un petit peuple qui ne verra jamais la justice pour cet accident effroyable du dancing. Aucune enquête n'ira à son terme. Et Alma sait bien pourquoi, Alma qui va devenir folle de douleur de devoir ainsi taire cette vérité que sa soeur lui a confiée. Daniel Woodrell plaide pour ce prolétariat oublié, ces ruraux qui crevaient la dalle, sans romantisme, sans clichés. " John Paul conservait quatre dollars et soixante-treize cents dans une blague à tabac Bull Durham et n'avait plus d'abri où dormir. Ses diverses activités lui rapportaient un dollar et soixante-cinq cents par semaine, avec lesquels il payait pour Alma, se nourrissait peu, essentiellement de bonbons au citron et de pain au raisin..."

Une lecture indispensable et un roman que l'on sent très personnel pour cet auteur revenu habiter dans ce village, qui se nomme en fait West Plain (la tragédie se déroulant, elle, un an avant). Pour tout dire, j'ai vraiment traîné sur la fin, pour ne pas avoir à refermer ce livre trop vite...

Un feu d'origine inconnue, Daiel Woodrell, édition Autrement, 185 pages, 15 euros.
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article