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The killer inside me

Littérature noire

Les douze enfants de Paris : ça découpe, ça tranche... et ça fait du bien

Les douze enfants de Paris : ça découpe, ça tranche... et ça fait du bien

Extrêmement déçu par Green River, j'avais fait l'impasse (malgré les sollicitations, les avis) sur La religion. Et puis, Tim Willocks a l'air tellement sympa (ça, c'est une super analyse) qu'il fallait lui donner une deuxième chance. Donc, c'est fait avec Les douze enfants de Paris. 937 pages de boucherie au coeur de la Saint Barthélemy. Autant dire que du macchabé, du décapité, du démembré, on en lit. Parce que le héros, Mattias Tannhauser, c'est vrai, emprunte beaucoup à Conan le Barbare, pour sa puissance, son art de la guerre. Mais aussi à Jack Bauer, l'agent de la série 24 H : il ne se repose quasiment jamais, il avance toujours. C'est cet enthousiasme de Tim Willocks pour son personnage qui emporte le morceau, il l'aime trop son chevalier de Malte, il le chérit tellement que, finalement, on tombe d'accord : c'est un super bonhomme. Un peu soupe au lait mais un combattant. C'est jouissif.

Parce que derrière tout cela, s'impose l'aspect historique de cette Saint Barthélemy. Willocks explique bien le mariage de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre pour réconcilier catholiques et protestants. Il glisse aussi avec précaution tout ce que la populace parisienne pensait d'une telle union, vouée à l'échec. Et pire, que le peuple : les responsables de la police au Châtelet. Mais plutôt que de faire un roman sur les rois et les reines, l'auteur plonge au milieu des petites gens. Il y a bien une scène au Louvre, palais royal, mais 99% du roman se déroule dans les rues de Paris. Un véritable labyrinthe d'immeubles prêts à s'effondrer, de ruelles où les hommes ne passent parfois pas à deux, de caniveaux où les excréments de porcs se mêlent désormais au sang des huguenots : " C'est la folie qui gouverne cette ville. Une fièvre sangalnte, dans tous les sens du terme : née dans le sang, vécue dans le sang, pour la joie de répandre le sang ". Le tableau de Paris, vu par Willocks, est ainsi unique et précieux.

Dans le chaos, Mattias Tannhauser doit donc retrouver sa femme Carla, musicienne venue participer au mariage et enceinte jsuqu'au yeux. Hélas, Tannhauser va être retardé et la demeure où loge Carla, appartenant à des protestants, attaquée par une bande de vauriens, digne de la Cour des miracles. Les douze enfants de Paris est alors une longue et sanglante course pour retrouver la tendre épouse. Foie, rate, oeil, colonne vertébrale, tendons d'Achille, poumons... l'auteur fait étalage de ses connaissances professionnelles et du coup le lecteur note de précieux renseignements sur les dégâts de l'acier dans le corps ! Des précisions chirurgicales que Willocks avait toutefois déjà avancé dans Green River.

Le chevalier de Malte s'entoure d'un puis deux jeunes garçons pour le seconder. Puis ce sont des soeurs et des jumelles qui complètent la communauté. Tannhauser veille sur eux et poursuit sa quête. " Il n'était pas hors d'haleine mais il souffla un instant. Même s'il y avait encore pas mal de spasmes et de gémissements à éteindre, d'après ses calculs personnels, il avait mis hors de combat onze hommes en moins sd'une minute. " Le bougre est ingénieux et sans pitié. Ainsi cette scène chez le pape Paul, crapule obèse à la Jabba The Hutt, est un modèle de huis clos en forme de boucher-charcutier.

Un décor, un personnage magnifique mais aussi quelques excellentes idées comme celle d'inclure le tarot dans la destinée du couple Carla-Mattias. Un brin de divination, de mystère, loin des affrontements entre chrétiens, avec notamment le personnage XXL d'Alice qui recueille Carla et l'accouche. Le seul petit défaut du livre tient d'ailleurs dans Carla, femme musicienne sans relief, carrément énervante lorsqu'elle joue les ingénues, les filles enlevées, victimes du syndrome de Stockholm... Sa voix se veut un contre point à la folie sanguinaire de Mattias mais, bon... on s'éclate quand même bien mieux avec le mari. D'ailleurs, il y a un petit point à éclaircir : à la page 532, notre héros sent " le coeur du bébé battre. Sa petite fille. " Mais comment diable sait-il que c'est une fille puisqu'il n'a pas assisté à l'accouchement ? Ou alors j'ai raté quelque chose. Si un lecteur pouvait m'éclairer.

Ceci dit Les douze enfants de Paris reste un sacré bon livre, un défouloir jouissif, qui souffre hélas de longueurs. Willocks a clairement voulu écrire sa saga. Il y parvient, c'est certain. Après, de là, à le comparer à Alexandre Dumas ou même Ellroy (si, si, quelqu'un l'a écrit), c'est... pfff.

Les douze enfants de Paris, Tim Willocks, édition Sonatine, 937 pages, 24 euros.
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