Littérature noire
30 Avril 2014
C'est un tête à tête dans un restaurant de Milan. Entre un journaliste et un commissaire divisionnaire. Sur plus de 20 pages, le fonctionnaire va déballer ce qu'il sait des attentats de 1992, 1993, à Florence, à Milan, des compromissions entre l'Etat et la pieuvre de la 'ndrangheta, surpuissante mafia calabraise, sans doute la plus dangereuse aujourd'hui. Au nom de la mafia surfe entre le roman de bandits repentis et le pur reportage. Car Fabrizio Gatti, journaliste de L'Espresso, connaît bien son affaire : tout au long du livre, en respectant l'anonymat, il fait état de ses contacts au plus haut de la hiérarchie policière. Surtout il témoigne de l'incapacité de fonctionnaires à travailler loin de la corruption.
Fabrizio Gatti a été aussi un témoin particulier du repenti de Rocco, jeune gangster du quartier milanais du Fortino dont le meilleur ami a été abattu comme un chien par les patrons. Sa haine des policiers va se changer tout doucement en haine des commanditaires de ce crime. Il est d'abord interpellé pour la tentative d'assassinat d'un type qui avait tenté de lui voler de la came puis va commencer à renseigner la magistrate sur le fonctionnement de la branche milanaise de la 'ndrangheta. Le roman tarde à vraiment démarrer, ça patine dans les 100 premières pages avant de prendre vraiment de la consistance. Ce n'est pas tant le parcours de Rocco qui intéresse que la façon dont on comprend comment l'Etat italien a toujours été complice de la mafia sans le dire et sans même que quiconque puisse formellement le prouver au plus haut niveau. " Le commissaire insiste encore sur le fait que le principal intérêt de la mafia réside dans les appels d'offres publics." Les forts soupçons, les trucs qui clochent, ça ne tient pas la route devant un tribunal. Pourtant il y a dans Au nom de la mafia des informations qui interpellent, qui dérangent. Mais aussi, tout de même, des mesures prises par l'Etat qui ont fait leurs preuves et qui demandent sans doute à être développées un peu partout, comme le statut de repenti, la confiscation des biens. Les dernières scènes du procès des chefs sont assez impressionnantes et le courage des témoins redonnent foi dans un système qui paraît, sinon, parfaitement corrompu.
Un mot sur le titre, Au nom de la mafia. Un choix peu judicieux, pour ne pas dire commercial quand on sait que le titre original était Gli anni della peste. La peste étant le nom donné par les mafiosi aux balances, repentis, informateurs.
Au nom de la mafia, Fabrizio Gatti, édition Liana Levi, 394 pages, 22 euros.