Littérature noire
2 Juin 2014
En voilà un drôle de polar. C'est même un polar (très) drôle. Les jeunes éditions Mirobole jouent la carte de l'originalité avec cet Assassinat d'Hicabi Bey, du Turc Alper Canigüz. L'histoire d'un gamin de cinq ans, à Istanbul, qui veut arrêter la maternelle, aider son père à ne pas se faire muter à petaouchnok et surtout résoudre le meurtre du voisin, un ancien flic trouvé égorgé chez lui, pendant un match du Besiktas ! C'est bien frappadingue, attention ! Les réflexions du petit Alper Kamu (drôle, ça aussi !) sont franchement piquantes, il pose son regard sur ses proches mais aussi sur cette société turque... über rafraîchissant.
" Je vivais les jours les plus intenses de ma vie. J'étais entouré d'ennemis qu'il fallait combattre et de femmes qui voulaient être aimées. Certes, mon pistolet était en plastique. Mes femmes aussi. Mais c'était toujours mieux que rien. " Entre partie de foot épique, face à face infanto-sensuel, personnages secondaires pimentés (ah ce procureur avec son parapluie !), soirée au bar à boire du raki avec son père... le roman ne s'arrête pas trente secondes. Cela peut fatiguer certains lecteurs mais franchement, Alper Canigüz sait y faire, parvient à retomber sur ses pattes, à tordre un peu le coup de la réalité grâce au regard de cet enfant, sorte de Peter Pan croisé avec Sherlock Holmes. Car il y a une vraie enquête, des suspects trop beaux pour être vrais, des filles pas si ingénues que ça, des fonctionnaires de police passablement nuls. Mais le meilleur du roman se situe dans les interstices, dans les scènes de vie stanbouliote. Jamais méchant mais tout de même bien critique, l'auteur donne à voir une ville, un pays embourbés dans leur burocratie corrompue.
Tout cela à une hauteur d'enfant qui permet des saillies irrésistibles : " le temps filait comme une flèche. Cela faisait une semaine que j'avais remis le rouleau de négatifs à Yüksel, et deux ans que j'avais appris que les femmes ne pissaient pas par les fesses. " Ce serait dommage de passer à côté d'un livre si original.
L'assassinat d'Hicabi Bey, Alper Canigüz, édition Mirobole, 248 pages, 20 euros.