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The killer inside me

Littérature noire

Los Angeles, les femmes, les drogues et les chicanos dans La révolte des cafards

Los Angeles, les femmes, les drogues et les chicanos dans La révolte des cafards

A tous les amateurs de mouvements sociaux, de révolutions, de contestations... les éditions Tusitalia viennent de publier La révolte des cafards, le deuxième roman de feu Oscar Zeta Acosta, avocat chicano de la fin des années 60 à Los Angeles, ami proche de Hunter S. Thompson. C'est la suite logique de Mémoires d'un bison dont avait déjà parlé . Retraçons donc, rapidement, le tableau : revendications sociales, raciales, le sénateur Kennedy, des flics violents, des drogues synthétiques et naturelles, des femmes sexys et naturelles, elles aussi. C'est un roman qui est aussi le journal du mouvement chicano, les descendants de ces Mexicains de Californie qui, par le biais de la vente de l'Etat, aux Américains, se sont retrouvés apatrides sur leur terre, exclus de la société, niés dans leur culture. C'est excitant, riche, tendu mais aussi assez désespérant.

Acosta plonge le lecteur dans une zone d'ombres de l'histoire américaine. On a souvent parlé des mouvements blacks mais quasiment jamais de ces chicanos. Les moyens d'expression et de contestation n'étaient pas les mêmes. En terme de démographie, de géographie, ce n'était également pas la même chose puisqu'il s'agit là d'associations essentiellement basées à Los Angeles. Bref, on découvre un monde souterrain, contestataire. Personnage central, qui se voit une destinée d'écrivain, Oscar Zeta Brown, la trentaine, physique de déménageur, est l'avocat de tous ceux qui hurlent " le pouvoir aux chicanos " ! Il rencontre rapidement tous les protagonistes de la revendication : Gilbert, Risco, Pelon, qui vont devenir ses amis, mais aussi Black eagle, Cesar Chavez, Corky... une foultitude d'agitateurs qui se donnent rendez-vous dans des sous-sols, fument des gros pétards et boivent un vin de supermarché, avant d'imaginer des actions. Que ce soit l'occupation d'une église, d'une école où la culture chicana est bannie, la défense d'un garçon curieusement suicidée dans un commissariat de l'Etat. C'est un temps où le coktail molotov se fait à l'arrière d'une voiture, où certains promènent un flingue dans le sac de leur gonzesse car... on sait jamais. " Je suis entouré par une nouvelle race de sauvages, de diables aux yeux marron qui défient le monde en hurlant à tue-tête."

Mais c'est aussi un temps d'extrêmes libertés, paradoxalement : Brown fait citer des juges qu'ils soupçonnent de racisme, engueule un autre juge en pleine audience et, sentimentalement parlant, passent d'une beauté latine à une autre, sans regarder l'âge ! Il y a vraiment l'idée que tout est possible dans certaines pages... sauf que non. La voie démocratique échoue et cela donne lieu à des émeutes savamment orchestrées par un pouvoir répressif qui colle l'assassinat d'un reporter chicano sur le dos de responsables de la communauté. Manipulation grossière mais efficace.

La révolte des cafards est pour le moins trépidant. Il n'y a pas une minute de repos et il ne s'agit pas là de meurtres à gogo, de trafics en tous genres, de flinguages à la John Woo. Non, simplement, il se passe mille trucs ! Avec des mecs sévèrement burnés, malgré cette éternelle lutte du pot de fer contre le pot de terre... On est en 1968 bien sûr et en même temps très loin de l'ambiance cols roulés et pantalons en velours des petits étudiants de La Sorbonne, révolutionnaires français qui paraissent bien fades à côté des enragés de Whittier Boulevard ! De la littérature comme on en fait plus, c'est certain.

La révolte des cafards, Oscar Zeta Brown, éditions Tusitalia, 352 pages, 20 euros.
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