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The killer inside me

Littérature noire

Les hommes t'ont fait du mal : Ernesto Mallo s'impose comme un grand du polar

Les hommes t'ont fait du mal : Ernesto Mallo s'impose comme un grand du polar

" Perro " Lascano est de retour. Ce quadragénaire qui fait des allers-retours dans la police de Buenos Aires. L'un des meilleurs personnages de romans noirs de ces dernières années. Après L'aiguille dans la botte de foin (quelle scène finale devant la banque !), Un voyou argentin, voici donc le troisième volet des aventures de notre flic porteno. Qui plonge dans les immondices de la prostitution, dans des réseaux de maquereaux puisant leur matière première dans la misère de la capitale argentine, jusqu'à Mar del Plata, façade maritime de la province, à 400 bornes. Dans Les hommes t'ont fait du mal, Lascano est mis à la retraite d'office, sans doute a-t-il fait du zèle dans une enquête où tout le monde croquait. Du coup, une cousine mourante, et richissime, lui demande de retrouver sa petite fille.

L'ancien flic va faire le job. Montrer la photo de la maman d'abord. Pour comprendre comment elle a pu se faire dézinguer dans un terrain vague. Très vite, il tombe sur des bars à entraîneuses. Euphémisme pour des cabarets fournissant prostituées de tous les âges. Dont Lindaura, mineure arrachée à la misère de son bidonville et qui pensait travailler honnêtement lorsqu'elle a accepté de suivre Chini. Lascano va se frotter à des ordures, des types qui brûlent les filles aux bras, et les cament à fond, pour les forcer à tapiner. Qui les butent quand elles gênent. On n'est pas ici dans les call girls de luxe mais bien dans la prostitution de bas étage. Celle où la police peut avoir sa part du gâteau. Et même au-delà...

L'intrigue est impeccable mais elle se double, comme dans Un voyou argentin, de la douleur de Perro. Celle d'avoir perdu l'amour de sa vie, Eva, dès le premier tome. Une déchirure sentimentale que le quadragénaire traîne, comme un caillou dans son soulier, toujours là pour lui rappeler qu'il n'a personne à la maison, pas d'enfants et donc pas de femme.

Ernesto Mallo est de la veine des Padura, des Diaz-Eterovic, des grands auteurs sud-américains. Tout comme la qualité de ses histoires, il porte un soin tout particulier à son style, à ses dialogues. En quelques mots, cet auteur fait sentir, donne à voir, s'indigne de cette violence barbare et garde toujours son regard doux pour ses concitoyens. " Le car arrive à la gare routière en soufflant et s'échoue le long du quai comme une baleine exténuée. Quand Lascano descend, un vent humide vient le fouetter tandis qu'il se dirige vers la panse du véhicule pour récupérer sa valise. Il n'en a pas besoin, mais il fait tout de même signe à un porteur de venir lui donner un coup de main. Il s'agit d'un homme de son âge, il porte un tablier gris tout crasseux, cadeau de la municipalité. Il a le crâne couvert de pellicules jaunes, ses grosses moustaches aussi sont jaunes, à cause du vieux cigare à moitié fumé et mâchouillé qu'il garde planté dans sa bouche." Rarement une série a réussi à conserver une telle qualité.

Les hommes t'ont fait du mal, Ernesto Mallo, édition Rivages, 270 pages, 7, 90 euros.
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