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The killer inside me

Littérature noire

Price : ces deux mois d'été où notre enfance s'écroule

Price : ces deux mois d'été où notre enfance s'écroule

Entre le jour des résultats du bac (ou diplôme équivalent aux USA, ici) et le premier jour de septembre suivant, que de bouleversements, d'interrogations. Souvenons-nous : poursuivre les études, trouver un boulot, garder ses amis, avoir une petite amie... Premier roman de Steve Tesich, Price est donc publié après le second, le très remarqué Karoo. L'auteur y mêle une sensibilité incroyable à un sens du détail, de l'analyse, assez épatant. Tout un chacun, homme ou femme, se reconnaîtra sans forcer dans le personnage de Daniel Boone Price, un peu looser, un peu rebelle, beaucoup amoureux. Un anti-héros de la classe moyenne américaine, près de Chicago. C'est tout le talent de Tesich de décrire les tourments de cette jeunesse en 1961.

Sans coup férir, le livre s'ouvre sur une formidable scène de lutte. Price est en finale de son Etat de l'Indiana et affronte le champion en titre. Il mène au score, c'est son dernier match de sa vie de lycéen, le dernier match de son entraîneur, à la retraite dans quelques jours. Le jeune homme ne voit pas son adversaire l'attendre, lui tisser un beau piège et magré les avertissements de son coach, Price va tomber dedans et rater le titre... C'est toute l'histoire de Price. A la fois un monde qui s'écroule et des occasion manquées.

Le monde qui s'écroule, c'est d'abord ses deux inséparables potes de lycée qui, après la remise du diplôme, vont s'éloigner. L'un parce qu'il ne veut pas travailler dans la même usine que son père et va fuir la ville. L'autre parce qu'une fille du lycée se pend à son cou. Pour Daniel, c'est un sentiment étrange, douloureux mais aussi apaisant. Car lui aussi tient à une fille, Rachel. Lui, vierge, va se faire déniaiser par cette mystérieuse nouvelle venue dans la ville. Mais ce ne sera pas aussi simple. Rachel lui en fait baver. Par ses questions, ses doutes, ses silences, ses absences. Daniel perd patience, s'aveugle, se persuade qu'il doit l'épouser ! Le transport amoureux dans son merveilleux n'importe quoi !

Le plus intéressant du roman n'est toutefois pas là. Dans ce monde qui s'écroule donc, c'est la relation entre Daniel et son père qui est la plus belle. Ce père taiseux, colérique, ouvrier. En perpétuelle conflit avec la mère. Un père dont l'énorme bouton dans le cou annonce un cancer expéditif. Les scènes où Daniel s'interroge sur ses sentiments envers celui qui lui a donné la vie sont particulièrement justes et humaines. Et les pages où la mère allume les cierges pour les morts et les vivants sont littéralement superbes. Il y a beaucoup de chaleur, de la cruauté aussi, dans ce face à face père-fils et Tesich y met, on le sent, de son vécu.

Au final, c'est bien ces moments-là que l'on retient de Price. La presse, regrettant sans doute d'être passée au bon moment à côté du " phénomène " Karoo, s'est montrée dithyrambique avec Price. On n'osera pas parler de chef d'oeuvre mais plutôt d'un très bon livre sur un thème, il est vrai, rebattu. Si l'histoire est très efficace, le style de Tesich est tout ce qu'il y a d'académique avec hélas un final, dans un incendie, un brin convenu.

Price, Steve Tesich, ed. Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages, 21, 90 euros.
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