Littérature noire
16 Mars 2015
Le groupe de métal Sepultura est à la musique du Brésil, ce que Edyr Augusto est à la littérature de ce même pays : un fracas de violences, une douleur extrême... et une facette inédite. Après Belém et la novella Moscow (sortis ensemble chez Point ce mois-ci), voilà Nid de vipères, troisième opus ardu de la vie au nord du pays. Nid de vipères, aborde cette fois clairement la politique et la politique la plus abjecte. Incarnée par Wlamir Turvel, le dealer de drogues, trafiquants de bois exotiques dans cette zone aux frontières poreuses, devenu gouverneur du Parà, capitale Belèm, deuxième plus gros état carioca. Wlamir a nécrosé tout l'appareil politique, policier, judiciaire. Mais il a oublié une chose : la vengeance d'une femme.
Car pour en arriver là, cette ordure a dû en écraser du monde. Dont un malheureux patron d'une scierie de bois. Qu'il a bastonné devant sa famille, avant de violer son épouse sous les yeux de la famille. Un traumatisme jamais effacé pour Fred, parti vivre à New-York, et surtout Isabela. Qui va tout faire pour se rapprocher de Turvel. Quitte à jouer les putes de luxe.
L'atmosphère d'Augusto s'inscrit loin des clichés évidemment. Ce Brésil est à cheval entre la dictature, ses derniers relents, à travers ce gouverneur omnipotent, violent, et puis une certaine démocratie aussi, incarnée par Valdomiro, petit comptable, arbitre de foot amateur, homme simple parmi le peuple, qui veut vivre sans contrainte mais a tout de même équipé toute s amaison du dernier cri en terme de sécurité. Et puis, au milieu se tient Isabela, réellement ivre de revanche, de haine, offrant son hymen, son corps, à la plus terrible des vengeances. Augusto a du talent pour décrire, en peu de pages, l'ascension d'une belle crapule, pour conter le système sur lequel il repose, sur lequel il s'appuie. Tout n'est que corruption, menaces et argent sale. Pas un moment de répit pour le lecteur dans ce déchaînement. On retient une première scène de flingage intense, au moment même d'une immense procession, le sacré cachant toujours en son sein des crapules, ou plus largement le Mal incarné.
S'il fallait faire un reproche à l'auteur, c'est la brièveté du récit qui, se déroulant sur plusieurs jours auraient gagner avec une cinquantaine de pages supplémentaires, notamment autour du personnage de Silva. Mais Edyr Augusto, comme un narrateur de fait-divers, nous a habitué à ses récits, hyper sexués, aussi secs et rapides qu'un shot d'alcool fort. C'est du grand art, dans la brutalité mais aussi dans la construction de dialogues déroutants. Aucune fausse note pour l'instant dans l'oeuvre de ce Brésilien hors normes.
Nid de vipères, Edyr Augusto, ed. Asphalte, 151 pages, 15 euros.